“Que de routes prend et que de raisons se donne le coeur pour en arriver à ce qu'il veut !”
“La phrase : "Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger" me semble être, sinon le dernier mot de la sagesse, en tout cas l'un des plus profonds, et ce que j'aime chez Etienne, c'est qu'il le prend à la lettre, c'est même ce qui selon moi lui donne le droit d'être juge. De ce qui le fait humain, pauvre, faillible, magnifique, il ne veut rien retrancher, et c'est aussi pourquoi dans le récit de sa vie je ne veux, moi, rien couper.”
“À ce moment là, j'ai dû comprendre pour la première fois que le mal est irrémédiable et qu'il est impossible de réparer un tort quoique l'on fasse ensuite. Le seul remède est de ne pas en commettre et ne pas en commettre est en ce monde l'oeuvre la plus ardue et secrète.”
“..il existe un sentiment permanent de solitude... Les autres vous parlent et vous avez le sentiment que ce n'est pas la peine de chercher à raconter ce que vous ressentez, parce qu'ils ne seraient jamais capables de comprendre ce que vous cherchez à exprimer. Jamais capables d'appréhender ce que vous percevez au point où vous le ressentez. Jamais capables de comprendre votre degré d'exigence. Ils vous prendraient au mieux pour un(e) idéaliste, au pire pour un fou ou une folle, pour quelqu'un qui est en marge, et qui s'y met volontairement." (p116)”
“Il paraît qu'à soixante-dix ans, c'est le meilleur souvenir qu'il vous reste. Le sexe. C'est ma grand-mère qui m'a dit ça. Elle m'a dit, tu sais quand on a mon âge, les plus beaux souvenirs qu'il vous reste ce sont les nuits d'amour. C'est ses mots à elle, mais je sais bien ce que ça veut dire. Ça veut dire qu'il n'y a rien de tel, après avoir bien pris son pied, que de se coller contre un homme en lui tenant la bite encore toute chaude comme un petit écureuil endormi. Tricote-toi des souvenirs, elle me dit, ma grand-mère, alors moi, je fais comme elle me dit et je me tricote des souvenirs pour me faire des pulls et des pulls pour quand je serai vieille et que j'aurai toujours froid. Parce que les vieux, ils ont toujours froid. Ils ont froid de ne plus pouvoir vivre les choses. C'est ça, qui donne froid, c'est de plus pouvoir s'assouvir, de plus pouvoir se donner à fond à ce qu'on a envie de vivre.”
“Accordons-lui une plus grande capacité à comprendre et à parler le patois jamaïquain, une tolérance accrue pour la flamme vive du rhum blanc, et davantage de respect pour les difficultés qu'on rencontre lorsqu'on veut comprendre quelqu'un d'une autre culture, d'une autre race, d'une autre géographie, d'une autre économie et d'une autre langue - et cela même alors que je me familiarisais tous les jours davantage avec les subtilités de cette culture, de cette race, de cette géographie, de cette économie et de cette langue. J'ai appris le nom des arbres, des fleurs et des aliments qui m'entouraient ; j'ai appris à jouer aux dominos avec autant de férocité qu'un Jamaïquain, et j'ai même appris à parler assez bien avec des Jamaïquaines pour qu'elles puissent oublier pendant de longs moments l'extraordinaire avantage financier que je représentais pour elles, et qu'il leur arrive brièvement d'arrêter de me raconter uniquement ce qu'elles croyaient que je voulais entendre. Ce qui ne veut pas dire que je comprenais alors ce qu'elles me disaient. (p.47)”