“En effet: je mourais déjà. Je venais d'apprendre cette nouvelle horrible que tout humain apprend un jour ou l'autre: ce que tu aimes, tu vas le perdre. "Ce qui t'a été donné te sera repris." Face à la découverte de cette spoliation future, il y a deux attitudes possibles: soit on décide de ne pas s'attacher aux êtres et aux choses, afin de rendre l'amputation moins douloureuse; soit on décide, au contraire, d'aimer d'autant plus les êtres et les choses, d'y mettre le paquet - "puisque nous n'aurons pas beaucoup de temps ensemble, je vais te donner en un an tout l'amour que j'aurais pu te donner en une vie.”

Amélie Nothomb

Amélie Nothomb - “En effet: je mourais déjà. Je venais...” 1

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“Cela pose un problème que...?""Que tu ne sois pas juif? Pas le moins du tout, dit maman en riant. Ni mon mari ni moi n'accordons d'importance à la différence de l'autre. Bien au contraire, nous avons toujours pensé que'elle était passionnante et source de multiples bonheurs. Le plus important, quand on veut vivre à deux toute une vie, est d'etre sur que l'on ne s'ennuiera pas ensemble. L'ennui dans un couple, c'est lui qui tue l'amour. Tant que tu feras rire Alice, tant que tu lui donneras l'envie de te retrouver, alors que tu viens à peine de la quitter pour aller travailler, tant que tu seras celui dont elle partage les confidences et à qui elle aime aussi se confier, tant que tu vivras tes reves avec elle, meme ceux que tu ne pourras pas réaliser, alors je suis certaine que quelles que soient tes origines, la seule chose qui sera étrangère à votre couple sera le monde et ses jaloux.”

Marc Levy
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“Chaque fois que je vais dans un super-market, ce qui du reste m'arrive rarement, je me crois en Russie. C'est la même nourriture imposée d'en haut, pareille où qu'on aille, imposée par des trusts au lieu de l'être par des organismes d’État. Les États-Unis, en un sens, sont aussi totalitaires que l'URSS, et dans l'un comme dans l'autre pays, et comme partout d'ailleurs, le progrès (c'est-à-dire l'accroissement de l'immédiat bien-être humain) ou même le maintien du présent état de choses dépend de structures de plus en plus complexes et de plus en plus fragiles. Comme l'humanisme un peu béat du bourgeois de 1900, le progrès à jet continu est un rêve d'hier. Il faut réapprendre à aimer la condition humaine telle qu'elle est, accepter ses limitations et ses dangers, se remettre de plain-pied avec les choses, renoncer à nos dogmes de partis, de pays, de classes, de religions, tous intransigeants et donc tous mortels. Quand je pétris la pâte, je pense aux gens qui ont fait pousser le blé, je pense aux profiteurs qui en font monter artificiellement le prix, aux technocrates qui en ont ruiné la qualité - non que les techniques récentes soient nécessairement un mal, mais parce qu'elles se sont mises au service de l'avidité qui en est un, et parce que la plupart ne peuvent s'exercer qu'à l'aide de grandes concentrations de forces, toujours pleines de potentiels périls. Je pense aux gens qui n'ont pas de pain, et à ceux qui en ont trop, je pense à la terre et au soleil qui font pousser les plantes. Je me sens à la fois idéaliste et matérialiste. Le prétendu idéaliste ne voit pas le pain, ni le prix du pain, et le matérialiste, par un curieux paradoxe, ignore ce que signifie cette chose immense et divine que nous appelons "la matière". (p. 242)”

Marguerite Yourcenar
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“Elle venait de se rendre compte qu'il existe deux choses qui empêchent une personne de réaliser ses rêves : croire qu'ils sont irréalisables, ou bien, quand la roue du destin tourne à l'improviste, les voir se changer en possible au moment où l'on s'y attend le moins. En effet, en ce cas surgit la peur de s'engager sur un chemin dont on ne connaît pas l'issue, dans une vie tissée de défis inconnus, dans l'éventualité que les chose auxquelles nous sommes habituées disparaissent à jamais.Les gens veulent tout changer, et , en même temps, souhaitent que tout continue uniformément."(Le Démon et mademoiselle Prym)”

Paulo Coelho
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“« Écoute, Egor Pétrovitch, lui dit-il. Qu’est ce que tu fais de toi ? Tu te perds seulement avec ton désespoir. Tu n’as ni patience ni courage. Maintenant, dans un accès de tristesse, tu dis quetu n’as pas de talent. Ce n’est pas vrai. Tu as du talent ; je t’assure que tu en as. Je le vois rien qu’à la façon dont tu sens et comprends l’art. Je te le prouverai par toute ta vie. Tu m’as raconté ta vie d’autrefois. À cette époque aussi le désespoirte visitait sans que tu t’en rendisses compte. À cette époque aussi, ton premier maître, cet homme étrange, dont tu m’as tant parlé, a éveillé en toi, pour la première fois, l’amour de l’art et a deviné ton talent. Tu l’as senti alors aussi fortement que maintenant. Mais tu ne savais pas ce qui se passait en toi. Tu ne pouvais pas vivre dans la maison du propriétaire, et tu ne savais toi-même ce que tu désirais. Ton maître est mort trop tôt. Il t’a laissé seulement avec des aspirations vagues et, surtout, il ne t’a pas expliqué toimême. Tu sentais le besoin d’une autre route plus large, tu pressentais que d’autres buts t’étaient destinés, mais tu ne comprenais pas comment tout cela se ferait et, dans ton angoisse, tu as haï tout ce qui t’entourait alors. Tes six années de misère ne sont pas perdues. Tu as travaillé, pensé, tu as reconnu et toi-même et tes forces ; tu comprends maintenant l’art et ta destination. Mon ami, il faut avoir de la patience et du courage. Un sort plus envié que le mien t’est réservé. Tu es cent fois plus artiste que moi, mais que Dieu te donne même la dixième partie de ma patience. Travaille, ne bois pas, comme te le disait ton bonpropriétaire, et, principalement, commence par l’a, b, c. « Qu’est-ce qui te tourmente ? La pauvreté, la misère ? Mais la pauvreté et la misère forment l’artiste. Elles sont inséparables des débuts. Maintenant personne n’a encore besoin de toi ; personne ne veut te connaître. Ainsi va le monde. Attends, ce sera autre chose quand on saura que tu as du talent. L’envie, la malignité, et surtout la bêtise t’opprimeront plus fortement que la misère. Le talent a besoin de sympathie ; il faut qu’on le comprenne. Et toi, tu verras quelles gens t’entoureront quand tu approcheras du but. Ils tâcheront de regarder avec mépris ce qui s’est élaboré en toi au prix d’un pénible travail, des privations, des nuits sans sommeil. Tes futurs camarades ne t’encourageront pas, ne te consoleront pas. Ils ne t’indiqueront pas ce qui en toi est bon et vrai. Avec une joie maligne ils relèveront chacune de tes fautes. Ils te montreront précisément ce qu’il y a de mauvais en toi, ce en quoi tu te trompes, et d’un air calme et méprisant ils fêteront joyeusement chacune de tes erreurs. Toi, tu esorgueilleux et souvent à tort. Il t’arrivera d’offenser une nullité qui a de l’amour-propre, et alors malheur à toi : tu seras seul et ils seront plusieurs. Ils te tueront à coups d’épingles. Moi même, je commence à éprouver tout cela. Prends donc des forces dès maintenant. Tu n’es pas encore si pauvre. Tu peux encore vivre ; ne néglige pas les besognes grossières, fends du bois, comme je l’ai fait un soir chez de pauvres gens. Mais tu es impatient ; l’impatience est ta maladie. Tu n’as pas assez de simplicité ; tu ruses trop, tu réfléchis trop, tu fais trop travailler ta tête. Tu es audacieux en paroles et lâche quand il faut prendra l’archet en main. Tu as beaucoup d’amour-propre et peu de hardiesse. Sois plus hardi, attends, apprends, et si tu ne comptes pas sur tes forces, alors va au hasard ; tu as de la chaleur, du sentiment, peut-être arriveras-tu au but. Sinon, va quand même au hasard. En tout cas tu ne perdras rien, si le gain est trop grand. Vois-tu, aussi, le hasard pour nous est une grande chose. »”

Fyodor Dostoevsky
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“Femelle, je te traiterai en femelle, et c'est bassement que je te séduirai, comme tu le mérites et comme tu le veux. A notre prochaine rencontre, et ce sera bientôt, en deux heures je te séduirai par les moyens qui leur plaisent à toutes, les sales, sales moyens, et tu tomberas en grand imbécile amour, et ainsi vengerai-je les vieux et les laids, et tous les naïfs qui ne savent pas vous séduire, et tu partiras avec moi, extasiée et les yeux frits !”

Albert Cohen
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