“La sentinelle, si elle se lasse de surveiller l'horizon et qu'elle s'endorme, la ville meurt. Il n'est point de provision de rondes déjà accomplies.(chapitre CXCVI)”
“il n'est ni sagesse, ni calcul, ni science de l'eau quand elle dissout les digues et engloutit les villes des hommes.(chapitre XV)”
“Mais je comprends aussi que rien de ce qui concerne l'homme ne se compte, ni ne se mesure. L'étendue véritable n'est point pour l'œil, elle n'est accordée qu'à l'esprit. Elle vaut ce que vaut le langage, car c'est le langage qui noue les choses. Il me semble désormais entrevoir mieux ce qu'est une civilisation. Une civilisation est un héritage de croyances, de coutumes et de connaissances, lentement acquises au cours des siècles, difficiles parfois à justifier par la logique, mais qui se justifient d'elles-mêmes, comme des chemins, s'ils conduisent quelque part, puisqu'elles ouvrent à l'homme son étendue intérieure. Une mauvaise littérature nous a parlé du besoin d'évasion. Bien sûr, on s'enfuit en voyage à la recherche de l'étendue. Mais l'étendue ne se trouve pas. Elle se fonde. Et l'évasion n'a jamais conduit nulle part. Quand l'homme a besoin, pour se sentir homme, de courir des courses, de chanter en chœur, ou de faire la guerre, ce sont déjà des liens qu'il s'impose afin de se nouer à autrui et au monde. Mais combien pauvres ! Si une civilisation est forte, elle comble l'homme, même si le voilà immobile.”
“si tu examines mon empire tu t'en iras voir les forgerons et les trouveras forgeant des clous et se passionnant pour les clous et te chantant les cantiques de la clouterie. Puis tu t'en iras voir les bucherons et tu les trouveras abattant arbres et se passionnant pour l'abattage d'arbres, et se remplissant d'une intense jubilation à l'heure de la fête du bucheron, qui est du premier craquement, lorsque la majesté de l'arbre commence de se prosterner. Et si tu vas voir les astronaumes, tu les verras se passionnant pour les étoiles et n'écoutant plus que leur silence. Et en effet chacun s'imagine être tel. Maintenant si je te demande: "Que se passe-t-il dans mon empire, que naîtra-t-il demain chez moi?" tu me diras: "On forgera des clous, on abattra des arbres, on observera les étoiles et il y aura donc des réserves de clous, des réserves de bois et des observations d'étoiles." Car myope et le nez contre, tu n'as point reconnu la construction d'un navire.(chapitre CXVII)”
“La masse (...) hait l'image de l'homme car la masse est incohérente, pousse dans tous les sens à la fois et annule l'effort créateur. Il est certes mauvais que l'homme écrase le troupeau. Mais ne cherche point là le grand esclavage: il se montre quand le troupeau écrase l'homme.(chapitre XI)”
“Le petit prince était maintenant tout pâle de colère.«Il y a des millions d'années que les fleurs fabriquent des épines. Il y a des millions d'années que les moutons mangent quand même les fleurs. Et ce n'est pas sérieux de chercher à comprendre pourquoi elles se donnent tant de mal pour se fabriquer des épines qui ne servent jamais à rien? Ce n'est pas important la guerre des moutons et des fleurs? Ce n'est pas sérieux et plus important que les additions d'un gros Monsieur rouge? Et si je connais, moi, une fleur unique au monde, qui n'existe nulle part, sauf dans ma planète, et qu'un petit mouton peut anéantir d'un seul coup, comme ça, un matin, sans se rendre compte de ce qu'il fait, ce n'est pas important ça?»Il rougit, puis reprit:«Si quelqu'un aime une fleur qui n'existe qu'à un exemplaire dans les millions d'étoiles, ça suffit pour qu'il soit heureux quand il les regarde. Il se dit: "Ma fleur est là quelque part..." Mais si le mouton mange la fleur, c'est pour lui comme si, brusquement, toutes les étoiles s'éteignaient! Et ce n'est pas important ça!»”
“Il ne s'agit point de t'offusquer de ce que l'un diffère de l'autre, de ce que les aspirations de l'un s'opposent aux aspirations de l'autre, de ce que le langage de l'un ne soit point le langage de l'autre, il s'agît de t'en réjouir. Car si te voilà créateur tu batiras un temple de portée plus haute qui sera leur commune mesure.Mais je dis aveugle celui-là qui s'imagine créer s'il démonte la cathédrale et aligne dans l'ordre par rang de taille les pierres l'une après l'autre.(chapitre LXXV)”