“La nuit avait les coudes posés sur l'eau où ricochaientles fragiles échardes des étoiles filantes.”
“La parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles.”
“Quand il mangeait des babas ou des éclairs, il se sentait coupable jusqu'à l'âme, à cause de la guerre, à cause des vendeuses dont les maris ou les amants se trouvaient sans doute quelque part, entre la mer du Nord et les Vosges. Mais il comprenait que Madeleine avait besoin de cette nourriture, justement pour tenir en échec ce vide, ce néant, cette nuit où elle était toujours sur le point de sombrer.”
“Naphta commença à parler de pieux excès de la charité qu'avait connus le moyen âge, de cas étonnants de fanatisme et d'exaltation dans les soins donnés aux malades : des filles de rois avaient baisé les plaies puantes de lépreux, s'étaient volontairement exposées à la contagion de la lêpre, avaient appelé leurs roses les ulcères qui se formaient sur leur corps, avaient bu l'eau où s'étaient lavés des malades purulents et avaient déclaré ensuite que rien ne leur avait jamais semblé meilleur.(ch. VI, operationes spirituales)”
“Elles étaient en touffes avec des racines d'or, épanouies, enfoncées dans les ténèbres et qui soulevaient des mottes luisantes de nuit.(à propos des étoiles)”
“Après le décès de cette vieille dame, tous les dimanches, j'allais au bord d'un étang à lotus en banlieu de Hanoi, où il y avait toujours deux ou trois femmes au dos arqué, aux mains tremblantes, qui, assises dans le fond d'une barque ronde, se déplaçaient sur l'eau à l'aide d'une perche pour placer des feuilles de thé à l'intérieur des fleurs de lotus ouvertes. Elles y retournaient le jour suivant pour les recueillir, unes à unes, avant que les pétales se fanent, après que les feuilles emprisonnées avaient absorbé le parfum des pistils pendant la nuit. Elles me disaient que chaque feuille de thé conservait ainsi l'âme de ces fleurs éphémères.”