“Obligée de marcher sur le carrelage mouillé, avec le balai-brosse je traîne derrière moi la serpillière comme un fugitif qui effacerait ses traces dans la neige, mais S s'assied sur l'étoupe humide pour se faire promener. Ne rater aucune occasion de divertissement. Ses devises : Rien sans moi. Moi partout.”
“H mange, cuits sous la cendre et extraits de leur coquille, avec une épingle de nourrice ôtée à son châle, les escargots de ses pierrailles, même les jaunes ou les roses qui ne sont pas comestibles. Mange les orties de son potager cueillies les mains nues. Mange les mûres de ses ronces qui retiennent quelques fragments de sa garde-robe. Mange les hérissons écrasés, nantis par ses soins d'un sarcophage de glaise aux fins de rôtissage. Arrache pour renflouer son grabat les flocons laissés par les moutons aux barbelés électrifiés, le courant ne lui fait rien.”
“Dans une contraction de texte, en cinquième, Marielle Bouzumat finit une phrase en bas de page et plaça le point à la page suivante : "Je n'avais plus la place", dit-elle entre deux clameurs de joie de la salle. A mon objection qu'un point n'a pas de surface, elle réplique : "Ceux de la géométrie, non, mais les vrais si.”
“De la langue elle se buvarde avec amour.”
“Avoir résisté à l'envie de mourir donne le droit d'aimer la vie. J'ai passé l'âge d'être triste, où l'on croit ne pas faire partie de l'univers. L'epérience change les soupirs en respirations.”
“C'est beau de ne pas laisser de trace. Si je pense que les pas des premiers astronautes sur la Lune ont laissé des empreintes qui sont encore là par manque de vent et de pluie, je bénis les miens qui se recouvrent. La trace indélébile du gros soulier d'Armstrong est une idée fixe pour moi, je voudrais aller là-haut avec un balai pour l'effacer. (p. 37)”
“- Quand j'aurai trouvé une réponse pour Roy, j'aurai l'esprit plus clair, plus libéré. Tant que je n'aurai pas de certitude à son sujet, j'aurai des doutes sur moi. Et quand on doute de soi-même, on doute de tout, tu le sais...Assise loin de moi, elle approuve de la tête, mais je vois ses yeux s'emplir de larmes. Je ressens tout à coup une véritable bouffée d'émotion pour elle, très intense. Je me lève et vais la prendre dans mes bras. Elle pleure doucement sur mon épaule. Je crois bien avoir pleuré. Un peu. Nous faisons l'amour. Pour la première fois depuis des mois, je me rends jusqu'au bout. Mais il y a quelque chose de désespéré dans cette communication, comme si nous le faisions pour la dernière fois.”