“Mais Colin ne savait pas, il courait, il avait peur, pourquoi ça ne suffit pas de toujours rester ensemble, il faut encore qu’on ait peur, peut-être est-ce un accident, une auto l’a écrasée, elle serait sur son lit, je ne pourrais la voir, ils m’empêcheraient d’entrer, mais vous croyez donc peut-être que j’ai peur de ma Chloé, je la verrai malgré vous, mais non, Colin, n’entre pas. Elle est peut-être blessée, seulement, alors, il n’y aura rien du tout, demain, nous irons ensemble au Bois, pour revoir le banc, j’avais sa main dans la mienne et ses cheveux près des miens, son parfum sur l’oreiller. Je prends toujours son oreiller, nous nous battrons encore le soir, le mien, elle le trouve trop bourré, il reste tout rond sous sa tête, et moi, je le reprends après, il sent l’odeur de ses cheveux.”

Boris Vian

Boris Vian - “Mais Colin ne savait pas, il courait, il...” 1

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“TOUZENBACHSi vous voulez. De quoi parlerons-nous ?VERCHININEDe quoi ? Rêvons ensemble... par exemple de la vie telle qu’elle sera après nous, dans deux ou trois cents ans.TOUZENBACHEh bien, après nous on s’envolera en ballon, on changera la coupe des vestons, on découvrira peut-être un sixième sens, qu’on développera, mais la vie restera la même, un vie difficile, pleine de mystère, et heureuse. Et dans mille ans, l’homme soupirera comme aujourd’hui : « Ah ! qu’il est difficile de vivre ! » Et il aura toujours peur de la mort et ne voudra pas mourir.VERCHININE, après avoir réfléchi.Comment vous expliquer ? Il me semble que tout va se transformer peu à peu, que le changement s’accomplit déjà, sous nos yeux. Dans deux ou trois cents ans, dans mille ans peut-être, peu importe le délai, s’établira une vie nouvelle, heureuse. Bien sûr, nous ne serons plus là, mais c’est pour cela que nous vivons, travaillons, souffrons enfin, c’est nous qui la créons, c’est même le seul but de notre existence, et si vous voulez, de notre bonheur.Macha rit doucement.TOUZENBACHPourquoi riez-vous ?MACHAJe ne sais pas. Je ris depuis ce matin.VERCHININEJ’ai fait les mêmes études que vous, je n’ai pas été à l’Académie militaire. Je lis beaucoup, mais je ne sais pas choisir mes lectures, peut-être devrais-je lire tout autre chose ; et cependant, plus je vis, plus j’ai envie de savoir. Mes cheveux blanchissent, bientôt je serai vieux, et je ne sais que peu, oh ! très peu de chose. Pourtant, il me semble que je sais l’essentiel, et que je le sais avec certitude. Comme je voudrais vous prouver qu’il n’y a pas, qu’il ne doit pas y avoir de bonheur pour nous, que nous ne le connaîtrons jamais... Pour nous, il n’y a que le travail, rien que le travail, le bonheur, il sera pour nos lointains descendants. (Un temps.) Le bonheur n’est pas pour moi, mais pour les enfants de mes enfants.TOUZENBACHAlors, d’après vous, il ne faut même pas rêver au bonheur ? Mais si je suis heureux ?VERCHININENon.TOUZENBACH, joignant les mains et riant.Visiblement, nous ne nous comprenons pas. Comment vous convaincre ? (Macha rit doucement. Il lui montre son index.) Eh bien, riez ! (À Verchinine :) Non seulement dans deux ou trois cents ans, mais dans un million d’années, la vie sera encore la même ; elle ne change pas, elle est immuable, conforme à ses propres lois, qui ne nous concernent pas, ou dont nous ne saurons jamais rien. Les oiseaux migrateurs, les cigognes, par exemple, doivent voler, et quelles que soient les pensées, sublimes ou insignifiantes, qui leur passent par la tête, elles volent sans relâche, sans savoir pourquoi, ni où elles vont. Elles volent et voleront, quels que soient les philosophes qu’il pourrait y avoir parmi elles ; elles peuvent toujours philosopher, si ça les amuse, pourvu qu’elles volent... MACHATout de même, quel est le sens de tout cela ?TOUZENBACHLe sens... Voilà, il neige. Où est le sens ?MACHAIl me semble que l’homme doit avoir une foi, du moins en chercher une, sinon sa vie est complètement vide... Vivre et ignorer pourquoi les cigognes volent, pourquoi les enfants naissent, pourquoi il y a des étoiles au ciel... Il faut savoir pourquoi l’on vit, ou alors tout n’est que balivernes et foutaises. Comme dit Gogol : « Il est ennuyeux de vivre en ce monde, messieurs. »”

Anton Chekhov
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“Après tout…, reprit le docteur, et il hésita encore, regardant Tarrou avec attention, c’est une chose qu’un homme comme vous peut comprendre, n’est-ce pas, mais puisque l’ordre de monde est réglé par la mort, peut-être vaut-il mieux pour Dieu qu’on ne croie pas en lui et qu’on lutte de toutes ses forces contre la mort, sans lever les yeux vers le ciel où il se tait.”

Albert Camus
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“- Peut-être, dit Athos; mais, en tout cas, écoutez bien ceci: assassinez ou faites assassiner le duc de Buckingham, peut m'importe! je ne le connais pas, d'ailleurs c'est un Anglais; mais ne touchez pas du bout du doigt à un seul cheveux de d'Artagnan, qui est un fidèle ami qu j'aime et que je défends, ou je vous le jure sur la tête de mon père, le crime que vous aurez commis sera le dernier.”

Alexandre Dumas
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“Mais à cette heure, où suis-je ? Et comment séparer ce café désert de cette chambre du passé. Je ne sais plus si je vis ou si je me souviens. Les lumières des phares sont là. Et l’Arabe qui se dresse devant moi me dit qu’il va fermer. Il faut sortir. Je ne veux plus descendre cette pente si dangereuse. Il est vrai que je regarde une dernière fois la baie et ses lumières, que ce qui monte alors vers moi n’est pas l’espoir de jours meilleurs, mais une indifférence sereine et primitive à tout et à moi-même. Mais il faut briser cette courbe trop molle et trop facile. Et j’ai besoin de ma lucidité. Oui, tout est simple. Ce sont les hommes qui compliquent les choses. Qu’on ne nous raconte pas d’histoires. Qu’on ne nous dise pas du condamné à mort : « Il va payer sa dette à la société », mais : « On va lui couper le cou. » Ça n’a l’air de rien. Mais ça fait une petite différence. Et puis, il y a des gens qui préfèrent regarder leur destin dans les yeux.”

Albert Camus
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“Dans ce silence de la mort, toute ma vie se déroula comme une chose inévitable, terrible par sa sévère logique. Je ne voyais pas de faits distincts, mais une ligne droite qui allait du jour de ma naissance au soir d’aujourd’hui. Elle ne pouvait aller plus loin : c’était clair. Mais j’ai déjà dit que, deux mois avant, j’avais senti l’approche de la mort, et tous les hommes la sentent de même. Le pressentiment a son rôle dans la vie de chacun de nous, et il ne déçoit pas. Le poète parle avec une admirable justesse quand il dit : « Les événements futurs jettent une ombre devant eux. » Si les hommes se plaignent quelquefois d’avoir été trompés par le pressentiment, c’est parce que leurs sensations leur restent obscures : toujours ils désirent ou appréhendent, et ils prennent leur peur ou leur espoir pour le pressentiment.”

Alexeï Apoukhtine
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