“Jace, tu as vu comment ces filles, elle te regardent?""C'est normal je suis beau à tomber.”
“Je crois que c'est moi qui ai changé: c'est la solution la plus simple. La plus désagréable aussi. Mais einfin je dois reconnaître que je suis sujet à ces transformations soudaines. Ce qu'il y a, c'est que je pense très rarement; alors une foule depetites métamorphoses s'accumulent en moi sans que j'y prenne garde et puis, un beau jour, il se produit une véritable révolution. C'est ce qui a donné à ma vie cet aspect huerté, incohérent.”
“-Ça ne fait rien, disait monsieur Ibrahim. Ton amour pour elle, il est à toi. Il t'appartient. Même si elle le refuse, elle ne peut rien y changer. Elle n'en profite pas, c'est tout. Ce que tu donnes, Momo, c'est à toi pour toujours; ce que tu gardes, c'est perdu à jamais!”
“VoisineJe peux rester des après-midi entiers à regarder cette fille, caché derrière mon rideau. Je me demande ce qu'elle peut écrire sur son ordinateur. A quoi elle pense quand elle regarde par la fenêtre. Je me demande ce qu'elle mange, ce qu'elle utilise comme dentifrice, ce qu'elle écoute comme musique. Un jour, je l'ai vue danser toute seule. Je me demande si elle a des frères et sœurs, si elle met la radio quand elle se lève le matin, si elle préfère l'Espagne ou l'Italie, si elle garde son mouchoir en boule dans sa main quand elle pleure et si elle aime Thomas Bernhard. Je me demande comment elle dort et comment elle jouit. Je me demande comment est son corps de près. Je me demande si elle s'épile ou si au contraire elle a une grosse toison. Je me demande si elle lit des livres en anglais. Je me demande ce qui la fait rire, ce qui la met hors d'elle, ce qui la touche et si elle a du goût. Qu'est-ce qu'elle peut bien en penser, cette fille, de la hausse du baril de pétrole et des Farc, et que dans trente ans il n'y aura sans doute plus de gorilles dans les montagnes du Rwanda ? Je me demande à quoi elle pense quand je la vois fumer sur son canapé, et ce qu'elle fume comme cigarettes. Est-ce que ça lui pèse d'être seule ? Est-ce qu'elle a un homme dans sa vie ? Et si c'est le cas, pourquoi c'est elle qui va toujours chez lui ? Pourquoi il n'y a jamais d'homme chez elle ? Je me demande comment elle se voit dans vingt ans. Je me demande quel sens elle donne à sa vie. Qu'est-ce qu'elle pense de sa vie quand elle est comme ça, toute seule, chez elle ? Si ça se trouve, elle n'a aucun intérêt, cette fille.”
“Le jardin dormait encore. Je l'ai surpris, nourrice. Je l'ai vu sans qu'il s'en doute. C'est beau un jardin qui ne pense pas encore aux hommes.”
“Tu t'imagines qu'un mensonge en vaut un autre, mais tu as tort. Je peux inventer n'importe quoi, me payer la tête des gens, monter toutes sortes de mystifications, faire toutes sortes de blagues, je n'ai pas l'impression d'être un menteur ; ces mensonges-là, si tu veux appeler cela des mensonges, c'est moi, tel que je suis ; avec ces mensonges-là, je ne dissimule rien, avec ces mensonges-là je dis en fait la vérité. Mais il y a des choses à propos desquelles je ne peux pas mentir. IL y a des choses que je connais à fond, dont j'ai compris le sens, et que j'aime. Je ne plaisante pas avec ces choses-là. Mentir là-dessus, ce serait m'abaisser moi-même, et je ne le peux pas, n'exige pas ça de moi, je ne le ferai.”