“À une passanteLa rue assourdissante autour de moi hurlait. Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse, Une femme passa, d'une main fastueuse Soulevant, balançant le feston et l'ourlet;Agile et noble, avec sa jambe de statue. Moi, je buvais, crispé comme un extravagant, Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan, La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.Un éclair . . . puis la nuit! — Fugitive beauté Dont le regard m'a fait soudainement renaître, Ne te verrai-je plus que dans l'éternité?Ailleurs, bien loin d'ici! trop tard! jamais peut-être! Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais, Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!”
“Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être ! Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais, Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !”
“Mais maintenant je dirai tout, afin que tu saches qui tu quittes, de quel homme tu te sépares. Sais-tu comment d’abord je t’ai comprise ? La passion m’a saisi comme le feu, elle s’est infiltrée dans mon sang comme le poison et a troublé toutes mes pensées, tous mes sentiments. J’étais enivré. J’étais comme étourdi, et à ton amour pur, miséricordieux, j’ai répondu non d’égal à égal, non comme si j’étais digne de ton amour, mais sans comprendre ni sentir. Je ne t’ai pas comprise. Je t’ai répondu comme à la femme qui, à mon point de vue, s’oubliait jusqu’à moi et non comme à celle qui voulait m’élever jusqu’à elle.« Sais-tu de quoi je t’ai soupçonnée, ce que signifiait, s’oublier jusqu’à moi » ? Mais non, je ne t’offenserai pas par mon aveu. Je te dirai seulement que tu t’es profondément trompée sur moi ! Jamais jamais, je n’aurais pu m’élever jusqu’à toi. Je ne pouvais que te contempler dans ton amour illimité, une fois que je t’eus comprise. Mais cela n’efface pas ma faute. Ma passion rehaussée par toi n’était pas l’amour. L’amour, je ne le craignais pas. Je n’osais pas t’aimer. Dans l’amour il y a réciprocité, égalité ; et j’en étais indigne. Je ne savais pas ce qui était en moi !”
“La douceur de l'air me fait rêver, à ce qui fut et à ce qui serait si tu étais là. Je sais que cette rêverie n'est qu'une inaptitude à vivre le présent. Je me laisse entraîner par ce courant sans regarder trop loin ou trop profondément. J'attends le moment où je retrouverai la force. Il viendra. Je sais que la vie me passionne encore. Je veux me sauver, non me délivrer de toi”
“Le même sentiment d'inappartenance, de jeu inutile, où que j'aille : je feins de m'intéresser à ce qui ne m'importe guère, je me trémousse par automatisme ou par charité, sans jamais être dans le coup, sans jamais être quelque part. Ce qui m'attire est ailleurs, et cet ailleurs je ne sais ce qu'il est.”
“Moi qui éprouve, comme chacun, le besoin d’être reconnu, je me sens pur en toi et vais à toi. J’ai besoin d’aller là où je suis pur. Ce ne sont point mes formules ni mes démarches qui t’ont jamais instruit sur qui je suis. C’est l’acceptation de qui je suis qui t’a fait, au besoin, indulgent à ces démarches comme à ces formules. Je te sais gré de me recevoir tel que me voici. Qu’ai-je à faire d’un ami qui me juge ? Si j’accueille un ami à ma table, je le prie de s’asseoir, s’il boite, et ne lui demande pas de danser”