“Grâce au rêve, nous pouvons tous être fous en toute quiétude chaque nuit de notre vie.”
“Si nous ne nous conduisons pas tout à fait bien, c’est parce qu’il nous reste, à tous, une vague petite notion de devoir au fond de notre désordre qui fait que nous n’avons pas le courage de nous conduire tout à fait mal.”
“La mort ? Un rendez-vous inéluctable et éternellement manqué puisque sa présence signifiait notre absence. Elle s'installe à l'instant où nous cessons d'être. C'est elle ou nous. Nous pouvons en toute conscience aller au-devant d'elle, mais pouvons-nous la connaître, ne fût-ce que le temps d'un éclair ? J'allais être à tout jamais séparée de qui j'aimais le mieux au monde. Le "jamais plus" était à notre porte. Je savais que nul lien, sauf mon amour, ne nous relierait . Si certaines cellules plus subtiles que l'on appelle âme continuent à exister, je me disais qu'elles ne pouvaient être douées de mémoire et que notre séparation serait éternelle. Je me répétais que la mort n'est rien, que seules la peur, la souffrance physique et la douleur de quitter ceux que l'on aime ou l'oeuvre entreprise rendent son approche atroce et que cela te serait épargné. Mais ne plus être présent au monde !”
“On m’a dit un jour : « C’est si difficile de vivre. » Et je me souviens du ton. Une autre fois, quelqu’un a murmuré : « La pire erreur, c’est encore de faire souffrir. » Quand tout est fini, la soif de vie est éteinte. Est-ce là ce qu’on appelle le bonheur ? En longeant ces souvenirs, nous revêtons tout du même vêtement discret et la mort nous apparaît comme une toile de fond aux tons vieillis. Nous revenons sur nous-mêmes. Nous sentons notre détresse et nous en aimons mieux. Oui, c’est peut-être cela le bonheur, le sentiment apitoyé de notre malheur.”
“Vie, qu'es-tu donc ? Peut-être la réponse se love-t-elle au creux de la question, de l'étonnement qu'elle recèle. La clarté vitale s'affadit-elle pour se transformer en ténèbres dès lors que nous cessons de nous étonner, de nous interroger et que nous envisageons la vie comme une banalité ? (p. 246)”
“Notre frere a ete conduit par son epreuve au desespoir, et les desespoir est la resultat de toute tentative serieuse pour comprendre et justifier la vie humaine. le desespoir est le resultat de tout effort serieux pour mettre sa vie en harmonie avec la vertu, avec la justice, avec la raison, tout en repondant a ses exigences. les enfants vivent en deca de ce desespoir, les adultes au-dela.”
“Huit heures de sommeil ! Nous perdons le tiers de notre vie humaine dans cet état d’impuissance et de demi-mort. Voilà ce qui me révoltait. Il faut libérer l’humanité de la charge du sommeil. Quelles extraordinaires perspectives, quelles possibilités !... Combien de grandes œuvres les grands penseurs nous auraient encore données, si toutes leurs nuits avaient pu être consacrées à la création ! Combien de grandes œuvres inachevées ne le seraient pas ! Comme le progrès avancerait ! ! L’ouvrier ayant travaillé aux heures fixées à sa machine-outil consacrerait la nuit aux livres ou au travail social. Nous n’aurions pas d’illettrés. Mieux encore, tous recevraient la possibilité de devenir parfaitement instruits. De quels pas gigantesques avancerait le progrès ! C’était à cela que je pensais...”