“C'était un professeur magnifique et je n'ai jamais oublié la moue dédaigneuse de ses lèvres lorsqu'il récusait d'une seule phrase une de nos interprétations. Il me guérit à jamais du comparatisme le jour où, ayant à commenter à voix haute devant lui et mes condisciples un passage de Rabelais, j'évoquai stupidement Bergson, que j'avais à peine lu. Le dédain de sa célèbre moue se fit carrément dégoût: 'Mon petit, Rabelais ne connaissait pas Bergson.”
“Je crois en l'apprentissage par le vécu, et je crois que le seul vrai apprentissage se fait par le voyage. Mon rêve le plus fou serait que tout candidat potentiel à la présidence d'un pays effectue un tour du monde à budget réduit avant de pouvoir poser sa candidature. Comment peut-on prétendre connaître le monde autour de soi lorsqu'on ne sort jamais des grands hôtels de luxe ?”
“On rêve d'un idéal, on le prie, on l'appelle, on le guette, et puis le jour où il se dessine, on découvre la peur de le vivre, celle de ne pas être à la hauteur de ses propres rêves, celle encore de les marier à une réalité dont on devient responsable.”
“Quant à l'endroit où se trouvait mon père, le jour de ses funérailles, ma mère me l'avait indiqué. C'est un peu loin, mais un jour ou l'autre nous irons le rejoindre, il n'y a pas à craindre de s'égarer. Ton papa est gentil, il est seulement parti devant pour voir comment c'était, m'avait-elle dit.”
“Moi qui prêchais la non-violence, moi qui n'avais jamais donné la moindre taloche à mes enfants, moi qui n'avais jamais répondu à l'injustice ou à l'autorité arbitraire que par du silence ou des pleurs! Moi, j'étais pétrie de violence, j'étais la violence même, la violence incarnée! ...Une fois de plus j'étais émerveillée par la belle et compliquée organisation de l'esprit des êtres humains. La rencontre avec ma violence est intervenue quand il le fallait. Je ne l'aurais pas supportée avant, je n'aurais pas été capable de l'assumer. ...Au cours de mon adolescence ma violence avait resurgi quelques fois. Mais je ne savais pas que c'était elle, je me croyais en proie à une crise de nerfs que je sentais monter dans ma gorge. Je m'enfermais alors dans un endroit, et, seule, honteusement, je déchirais mes vêtements ou je cassais un objet.”
“C'est dans ma neuvième année que j'ai appris le hollandais. A cette époque-là, j'avais un papa, un chic type dans mon genre, qui voulait que ses enfants réussissent dans la vie. Lui n'avait pas beaucoup travaillé à l'école ; ce qui ne l'empêchait pas, tous les étés, de nous acheter à ma sœur Christine et à moi des "cahiers de vacances". Le lundi soir, elle avait déjà fait son cahier jusqu'au jeudi. Moi, je n'ai jamais pu terminer le mien.”