“Ah! je voulais te dire aussi, n'aie pas peur de leur sabir. Le sabir du pauvre d'aujourd'hui, c'est l'argot du pauvre d'hier, ni plus ni moins. Depuis toujours le pauvre parle argot. Sais-tu pourquoi? Pour faire croire au riche qu'il a quelque chose à lui cacher. Il n'a rien à cacher, bien sûr, il est beaucoup trop pauvre, rien que des petits trafics par-ci par-là, des broutilles, mais il tient à faire croire que c'est un monde entier qu'il cache, un univers qui nous serait interdit, et si vaste qu'il aurait besoin de toute une langue pour l'exprimer. Mais il n'y a pas de monde, bien sûr, et pas de langue. Rien qu'un petit lexique de connivence, histoire de se tenir chaud, de camoufler le désespoir.”

Daniel Pennac

Daniel Pennac - “Ah! je voulais te dire aussi, n'aie pas...” 1

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“... tu sais le pauvre parle fort, c'est une de ses caractéristiques, un invariant historique et géographique, il parle fort depuis toujours et dans le monde entier, il parle d'autant plus fort qu'il est entouré de pauvres, le pauvre, et qui parlent fort eux aussi, pour se faire entendre, comprends-tu? Le pauvre a la cloison mince. Et il jure beaucoup, c'est vrai, mais sans penser à mal, rassure-toi...”

Daniel Pennac
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“Ce n'est pas vrai du tout, que l'être humain soit une créature qui comprenne la vie. Son intelligence ne lui sert pas à grand'chose; par le fait qu'il parle, il n'en est pas moins bête. Mais là où sa bêtise dépasse celle des animaux, c'est quand il s'agit de deviner et de sentir la détresse de son sembable.Il nous arrive, parfois, de voir dans la rue un homme à la face blême et au regard perdu, ou bien une femme en pleurs. Si nous étions des êtres supérieurs, nous devrions arrêter cet homme ou cette femme, et leur offrir promptement notre assistance. C'est là toute la supériorité que j'attribuerais à l'être humain sur la bête. Il n'en est rien.”

Panait Istrati
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“Faut-il regretter le temps des guerres "à sens" ? souhaiter que les guerres d'aujourd'hui "retrouvent" leur sens perdu ? le monde irait-il mieux, moins bien, indifféremment, si les guerres avaient, comme jadis, ce sens qui les justifiait ? Une part de moi, celle qui a la nostalgie des guerres de résistance et des guerres antifascistes, a tendance à dire : oui, bien sûr ; rien n'est plus navrant que la guerre aveugle et insensée ; la civilisation c'est quand les hommes, tant qu'à faire, savent à peu près pourquoi ils se combattent ; d'autant que, dans une guerre qui a du sens, quand les gens savent à peu près quel est leur but de guerre et quel est celui de leur adversaire, le temps de la raison, de la négociation, de la transaction finit toujours par succéder à celui de la violence ; et d'autant (autre argument) que les guerres sensées sont aussi celles qui, par principe, sont les plus accessibles à la médiation, à l'intervention - ce sont les seules sur lesquelles des tiers, des arbitres, des observateurs engagés, peuvent espérer avoir quelque prise...Une autre part hésite. L'autre part de moi, celle qui soupçonne les guerres à sens d'être les plus sanglantes, celle qui tient la "machine à sens" pour une machine de servitude et le fait de donner un sens à ce qui n'en a pas, c'est-à-dire à la souffrance des hommes, pour un des tours les plus sournois par quoi le Diabolique nous tient, celle qui sait, en un mot, qu'on n'envoie jamais mieux les pauvres gens au casse-pipe qu'en leur racontant qu'ils participent d'une grande aventure ou travaillent à se sauver, cette part-là, donc, répond : "non ; le pire c'était le sens"; le pire c'est, comme disait Blanchot, "que le désastre prenne sens au lieu de prendre corps" ; le pire, le plus terrible, c'est d'habiller de sens le pur insensé de la guerre ; pas question de regretter, non, le "temps maudit du sens". (ch. 10De l'insensé, encore)”

Bernard-Henri Levy
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“. . . car il n'est point vrai que l'oeuvre de l'homme est finie que nous n'avons rien à faire au monde que nous parasitons le monde qu'il suffit que nous nous mettions au pas du monde mais l'oeuvre de l'homme vient seulement de commencer et il reste à l'homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l'intelligence, de la force . . .”

Aimé Césaire
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“Prendre les actes constatés des individus pour des choix complètement libres, c'est faire l'impasse sur l'inégale capacité des individus à mener leur vie selon leurs souhaits. Cela revient à dire que les chômeurs de longue durée sont libres de se suicider pour échapper au chômage, que les pauvres sont libres de ne pas acheter de caviar et que, les riches étant par ailleurs libres de ne pas inviter les pauvres à leur table, tout le monde baigne dans le bonheur des choix souverains.”

Jacques Généreux
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