“Parfois, c'est l'humilité qui commande notre silence. Pas la glorieuse humilité des analystes professionnels, mais la conscience intime, solitaire, presque douloureuse, que cette lecture-ci, que cet auteur-là, viennent, comme on dit, de « changer ma vie » !”
“Ce n'est pas vrai du tout, que l'être humain soit une créature qui comprenne la vie. Son intelligence ne lui sert pas à grand'chose; par le fait qu'il parle, il n'en est pas moins bête. Mais là où sa bêtise dépasse celle des animaux, c'est quand il s'agit de deviner et de sentir la détresse de son sembable.Il nous arrive, parfois, de voir dans la rue un homme à la face blême et au regard perdu, ou bien une femme en pleurs. Si nous étions des êtres supérieurs, nous devrions arrêter cet homme ou cette femme, et leur offrir promptement notre assistance. C'est là toute la supériorité que j'attribuerais à l'être humain sur la bête. Il n'en est rien.”
“C'est la vie qui peu à peu, cas par cas, nous permet de remarquer que ce qui est le plus important pour notre coeur, ou pour notre esprit, ne nous est pas appris par le raisonnement mais par des puissances autres.”
“ISABELLEJe viendrai... Je viendrai... Mais je n'ai pas le sentiment que je serai particulièrement forte et volontaire, une fois disparue. Je sens très bien au contraire que ce qui me plaira dans la mort, c'est la paresses de la mort, c'est cette fluidité un peu dense te engourdie de la mort, que fait qu'en somme, il n'y a pas des morts, mais uniquement des noyés...”
“Si, bien avant la puberté, et parfois même dès sa toute petite enfance, elle nous apparaît déjà comme sexuellement specifiée, ce n'est pas que de mystérieux instincts immédiatement la vouent à la passivité, à la coquetterie, à la maternité, c'est que lintervention d'autrui dans la vie de l'enfant et presque originelle et que dès ses premières années sa vocation lui est impérieusement insufflée.”
“Mais ce qui ne passera pas, c'est cette impression de découverte de soi que la lecture de Rousseau procure et qui est différente de celle de saint Augustin; car le péché n'est au fond ni l'homo peccator, ni l'homo poenitens, ni l'homo innocens, comme j'ai semblé le dire. Ce n'est pas le fauve ou le renard, le lion, ni même l'âne de la fable qu'il retrouve en nous. C'est le presque-saint, l'ange titubant, le menteur affamé de sincérité, le médiocre hanté par l'idée du parfait. En somme, ce n'est ni le saint, le héros, ni le pécheur ou le pervers : c'est le troisième homme, pécheur inconscient, fils prodigue et qui se pardonne généreusement. C'est le pauvre diable. C'est le pauvre homme. C'est l'homme.Est-ce là le suprême détour de l'orgueil! Est-ce l'humilité vraie sans la vanité de se savoir humble!”