“Je m'appelle Gaëlle, j'ai trente-quatre ans, j'ai un gros cul, je suis assistante dans la com', je m'éclate dans mon boulot, je suis super-pro et je ne supporte pas les incompétents. Tous les matins, je prends mon métro à Ledru-Rollin, je lis les gratuits, je me sape chez Zadig & Voltaire, je fais des régimes au printemps, je vote à gauche ou à droite, ça dépend, j'ai les pieds bien sur terre, j'aime pas revoir mes ex, le passé c'est le passé, j'aime pas trop le théâtre, je préfère le ciné, je m'engueule souvent avec ma mère, je me pose pas trop de questions, j'aime pas les gens prise de tête, je lis les bouquins d'Amélie Nothomb et la Star Ac', ça me fait marrer.”
“Je suis vide. Je n'ai que gestes, réflexes, habitudes. Je veux me remplir. C'est pourquoi je psychanalyse les gens...Je n'assimile pas. Je leur prends leurs pensées, leurs complexes, leurs hésitations et rien ne m'en reste. Je n'assimile pas; ou j'assimile trop bien..., c'est la même chose. Bien sure, je conserve des mots, des contenants, des étiquettes; je connais les termes sous lesquels on range les passions, les émotions, mais je ne les éprouve pas.”
“Quant à moi, maintenant, j'ai fermé mon âme. Je ne dis plus à personne ce que je crois, ce que je pense et ce que j'aime. Me sachant condamné à l'horrible solitude, je regarde les choses, sans jamais émettre mon avis. Que m'importent les opinions, les querelles, les plaisirs, les croyances ! Ne pouvant rien partager avec personne, je me suis désintéressé de tout. Ma pensée, invisible, demeure inexplorée. J'ai des phrases banales pour répondre aux interrogations de chaque jour, et un sourire qui dit "oui", quand je ne veux même pas prendre la peine de parler.”
“Alors toi, le moins qu'on puisse dire, c'est que je t'aurais méritée. Primo, ça faisait des années que je t'attendais. Des années que j'avais juste le droit de tremper mes lèvres dans le bonheur et puis pas plus. Deusio, quand je te rencontre il faut que tu sois maquée avec un poulpe qui te colle de partout. Et tertio, quand enfin mademoiselle est dispo, il faut que tu me fasses poireauter des semaines et des semaines, genre laisse-moi digérer mon histoire avec Dudulle et faire mon rot. Tu crois que ça peut être simple ? Comme à la télé ou sur grand écran ? Ils se rencontrent, ils se plaisent, ils s'aiment, allez zou ! emballez, c'est pesé. Eh ben, nan ! Il faut que ça soit compliqué, il faut que mademoiselle prenne tout son temps, qu'elle s'ébroue un peu, qu'elle remette de l'ordre sans sa tête, qu'elle fasse une pose, alors que moi, je suis là, tendu comme un arc, les pieds bien calés dans les starting-blocks, les doigts bien posés sur la ligne, concentré, parce qu'un début d'histoire, faut surtout pas le rater, faut se donner à fond, je le sais, c'est pas une première pour moi, avec toutes les histoires foireuses que je viens d'enquiller, j'ai largement eu le temps de m'entraîner. Comme un sportif, je me suis entraîné. Je suis prêt, moi. Y a plus qu'à donner le départ. Quand mademoiselle sera disposée.”
“Tu t'imagines qu'un mensonge en vaut un autre, mais tu as tort. Je peux inventer n'importe quoi, me payer la tête des gens, monter toutes sortes de mystifications, faire toutes sortes de blagues, je n'ai pas l'impression d'être un menteur ; ces mensonges-là, si tu veux appeler cela des mensonges, c'est moi, tel que je suis ; avec ces mensonges-là, je ne dissimule rien, avec ces mensonges-là je dis en fait la vérité. Mais il y a des choses à propos desquelles je ne peux pas mentir. IL y a des choses que je connais à fond, dont j'ai compris le sens, et que j'aime. Je ne plaisante pas avec ces choses-là. Mentir là-dessus, ce serait m'abaisser moi-même, et je ne le peux pas, n'exige pas ça de moi, je ne le ferai.”
“J'ai fait ma première fugue à six ans, mais comme je n'avais pas le droit de traverser la rue, j'ai fait le tour du pâté de maisons et je me suis retrouvé à mon point de départ! C'était un piège! (Comment devenir un ange, p. 257)”
“Je me tromperai enfin sur certains détails plus importants. Mais ça, il faudra me le pardonner. Mon ami ne donnait jamais d'explications. Il me croyait peut-être semblable à lui. Mais moi, malheureusement, je ne sais pas voir les moutons à travers les caisses. Je suis peut-être un peu comme les grandes personnes. J'ai dû vieillir.”