“Ce Baudot, un des inspirateurs dans les années soixante-dix du Syndicat de la Magistrature, avait été sanctionné par le garde des Sceaux, à l'époque Jean Lecanuet, pour avoir tenu à de jeunes juges ce discours : "Soyez partiaux. Pour maintenir la balance entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre qui ne pèsent pas le même poids, faites-la pencher plus fort d'un côté. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre l'homme, pour le débiteur contre le créancier, pour l'ouvrier contre le patron, pour l'écrasé contre la compagnie d'assurances de l'écraseur, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice. La loi s'interprète, elle dira ce que vous voulez qu'elle dise. Entre le voleur et le volé, n'ayez pas peur de punir le volé.”

Emmanuel Carrère

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“La dame de la Cour de cassation, c'est un arrêt qui tombe au printemps 2000 et qui dit que le juge ne peut pas relever d'office, c'est-à-dire de sa propre initiative, un manquement à la loi. On reconnaît la théorie libérale : on n'a pas plus de droit que celui qu'on réclame ; pour réparer un tort, il faut que celui qui l'a subi s'en plaigne. Dans le cas d'un litige entre un consommateur et un professionnel du crédit, si le consommateur ne se plaint pas du contrat, ce n'est pas au juge de le faire à sa place. Cela se tient dans la théorie libérale, dans la réalité le consommateur ne s'en plaint jamais, parce qu'il ne connaît pas la loi, parce que ce n'est pas lui qui a porté le litige en justice, parce que neuf fois sur dix il n'a pas d'avocat. Peu importe, dit la Cour de cassation, l'office du juge, c'est l'office du juge : il n'a pas à se mêler de ce qui ne le regarde pas ; s'il est scandalisé, il doit le rester en son for intérieur.”


“Entre la victime et le bourreau, entre le révolutionnaire et le policier, entre la bureaucratie et le dissident, il y a une connivence de vocabulaire, des obsessions, des clichés mentaux qui restreignent, diminuent, limitent notre vision de l'homme. Je sympathise avec la victime contre le bourreau, avec le dissident contre la bureaucratie, mais, pour m'approcher de la vérité, il faut que je brise le cercle étroit de leur dispute qui prétend trompeusement être le cœur du réel.”


“Pour livrer une guerre contre le Liban, il ne suffit pas de déstabiliser le pays pour le plonger dans la violence, il faut aussi déstabiliser l'opinion publique internationale pour lui faire accepter, voire souhaiter, les bombardements et la mort.”


“La phrase : "Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger" me semble être, sinon le dernier mot de la sagesse, en tout cas l'un des plus profonds, et ce que j'aime chez Etienne, c'est qu'il le prend à la lettre, c'est même ce qui selon moi lui donne le droit d'être juge. De ce qui le fait humain, pauvre, faillible, magnifique, il ne veut rien retrancher, et c'est aussi pourquoi dans le récit de sa vie je ne veux, moi, rien couper.”


“Le juge d'instance est l'équivalent pour la justice du médecin de quartier. Loyers impayés, expulsions, saisies sur salaire, tutelle des personnes handicapées ou vieillissantes, litiges portant sur des sommes inférieures à 10 000 euros - au-dessus, cela relève du tribunal de grande instance, qui occupe la partie noble du Palais de justice. Pour qui a fréquenté les assises ou même la correctionnelle, le moins qu'on puisse dire est que l'instance offre un spectacle ingrat. Tout y est petit, les torts, les réparations, les enjeux. La misère est bien là, mais elle n'a pas tourné à la délinquance. On patauge dans la glu du quotidien, on a affaire à des gens qui se débattent dans des difficultés à la fois médiocres et insurmontables, et le plus souvent on n'a même pas affaire à eux car ils ne viennent pas à l'audience, ni leur avocat parce qu'ils n'ont pas d'avocat, alors on se contente de leur envoyer la décision de justice par lettre recommandée, qu'une fois sur deux ils n'oseront pas aller chercher. (p.175)”


“Quant à la question de savoir si un tribunal saisi d'un litige relatif à un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur peut apprécier d'office le caractère abusif d'une clause de ce contrat, il convient de rappeler que le système de protection mis en œuvre par la directive européenne repose sur l'idée que le consommateur se trouve dans une situation d'infériorité à l'égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d'information. L'objectif poursuivi par la directive, qui impose aux États membres de prévoir que des clauses abusives ne lient pas les consommateurs, ne pourrait être atteint si ces derniers se trouvaient dans l'obligation d'en soulever eux-mêmes le caractère abusif. Il s'ensuit qu'une protection efficace du consommateur ne peut être atteinte que si le juge national se voit reconnaître la faculté d'apprécier d'office une telle clause.”