“Je lis des vieux livres parce que les pages tournées de nombreuses fois et marquées par les doigts ont plus de poids pour les yeux, parce que chaque exemplaire d'un livre peut appartenir à plusieurs vies. Les livres devraient rester sans surveillance dans les endroits publics pour se déplacer avec les passants qui les apporteraient un moment avec eux, puis ils devraient mourir comme eux, usés par les malheurs, contaminés, noyés en tombant d'un pont avec les suicidés, fourrés dans un poêle l'hiver, déchirés par les enfants pour en faire des petits bateaux, bref ils devraient mourir n'importe comment sauf d'ennui et de propriété privée, condamnés à vie à l’étagère. (p.22)”

Erri De Luca

Erri De Luca - “Je lis des vieux livres parce que les...” 1

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“Il m'arrivait aussi, à l'occasion, d'être accosté dans les rues de New York par des inconnus qui se lançaient dans une rencontre orageuse avec moi à cause de quelque chose dans mes romans qui les séduisait ou qui les exaspérait, ou qui les séduisait parce que cela les exaspérait, ou qui les exaspérait parce que cela les séduisait.”

Philip Roth
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“Un livre taché d'encre, de café, de thé qui a viré à la rouille, de graisse, croustillant de miettes et parsemé de cils ou de cendres, s'il peut courroucer ou dégoûter un lecteur de passage, sera feuilleté avec bienveillance et tendresse par son propriétaire, car ces marques sont la preuve de l'étude passionnée et des heures de lutte énergique avec les feuilles et les mots. Plus on aime le livre et plus il se plisse, plus il s'épaissit de ces matières organiques. Les livres les moins attirants e sont-ils pas ces livres qui ne sont pas neufs mais à peine usagés, vendus à prix réduits, dont on sent qu'ils ont été lus sans amour puis revendus sans même avoir été abîmés?”

Laurence Tuot
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“PorteursNotre monde repose sur les épaules de l'autre. Sur des enfants au travail, sur des plantations et des matières premières payées bon marché : des épaules d'inconnus portent notre poids, obèse de disproportion de richesses. Je l'ai vu.Dans les ascensions qui durent bien des jours vers les camps de base des hautes altitudes, des hommes et aussi des femmes et des enfants portent notre poids dans des hottes tressées. Tables, chaises, vaisselle, tentes, cuisinières, combustibles cordes, matériel d'escalade, nourriture pour plusieurs semaines, en somme un village pour vivre là où il n'y a rien.Ils portent notre poids pour le prix moyen de trois cents roupies népalaises par jour, moins de quatre euros. Les hottes pèsent quarante kilos, mais certains en portent de plus lourdes. Les étapes sont longues, elles fatiguent le voyageur avec son petit sac à dos et le minimum nécessaire.Des porteurs de tout notre confort marchent avec des tongs ou bien pieds nus sur des pentes qui manquent d'oxygène, la température baissant. La nuit, ils campent en plein air autour d'un feu, ils font cuire du riz et des légumes cueillis dans les parages, tant que quelque chose sort de terre. Au Népal, la végétation monte jusqu'à trois mille cinq cents mètres.Nous autres, nous dormons dans une tente avec un repas chaud cuisiné par eux.Ils portent notre poids et ne perdent pas un gramme. Il ne manque pas un mouchoir au bagage remis en fin d'étape.Ils ne sont pas plus faits pour l'altitude que nous, la nuit je les entends tousser. Ce sont souvent des paysans des basses vallées de rizières. Nous avançons péniblement en silence, eux ne renoncent pas à se parler, à raconter, tout en marchant.Nous habillés de couches de technologie légère, aérée, chaude, coupe-vent, et cetera, eux avec des vêtements usés, des pulls en laine archiélimés : ils portent notre poids et sourient cent plus que le plus extraverti de nos joyeux compères.Ils nous préparent des pâtes avec l'eau de la neige, ils nous ont même apporté des oeufs ici, à cinq mille mètres. Sans eux, nous ne serions ni agiles, ni athlétiques, ni riches. Ils disparaissent en fin de transport, ils se dispersent dans les vallées, juste à temps pour le travail du riz et de l'orge. (p. 11-12)”

Erri De Luca
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“Adieu, mon cher vieux. Relis et rebûche ton conte. Laisse-le reposer et reprends-le, les livres ne se font pas comme les enfants, mais comme les pyramides, avec un dessin prémédité, et en apportant des grands blocs l´un par-dessus l´autre, à force de reins, de temps et de sueur, et ça ne sert à rien! et ça reste dans le désert! mais en le dominant prodigieusement. Les chacals pissent au bas et les bourgeois montent dessus, etc.; continue la comparaison.”

Gustave Flaubert
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“Écoutant, en effet, les cris d'allégresse qui montaient de la ville, Rieux se souvenait que cette allégresse était toujours menacée. Car il savait ce que cette foule en joie ignorait, et qu'on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu'il peut rester pendant des dizaines d'années endormi dans les meubles et le linge, qu'il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait, où, pour le malheur et l'enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse.”

Camus
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