“Je vois les choses comme ça : le travail n'est rien, juste un salaire. Ce qui compte c'est d'avoir la tête entre les pieds, le visage au ras du sol pour s'occuper d'en bas. Ce qui compte c'est de plier la nuque vers la terre, d'avoir pour elle plus d'attention que pour les hommes.Ainsi, pour le temps qui reste, il est bon d'avoir affaire aux autres, de se comprendre à fleur de visage, de se raser pour une femme, de combattre toute violence. (p. 29)”

Erri De Luca

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“C'est beau de ne pas laisser de trace. Si je pense que les pas des premiers astronautes sur la Lune ont laissé des empreintes qui sont encore là par manque de vent et de pluie, je bénis les miens qui se recouvrent. La trace indélébile du gros soulier d'Armstrong est une idée fixe pour moi, je voudrais aller là-haut avec un balai pour l'effacer. (p. 37)”


“Je m'entends dire : "Il y a en moi ce qui se trouve chez beaucoup d'hommes dans le monde, amours, coups de feu, des phrases pleines d'épines, aucune envie d'en parler. Nous sommes ordinaires nous autres hommes. Ce qui est spécial, c'est vivre, regarder le soir le creux de sa main et savoir que le lendemain sera nouveau, que le tailleur de la nuit coud la peau, raccommode les cals, reprise les accrocs et dégonfle la fatigue." (p. 44)”


“Quand il m'arrive de sentir que mon temps est peu de chose, je pense à celui qui s'écoule simultanément dans bien des endroits du monde et qui passe près du mien : ce sont des arbres qui chassent des pollens, des femmes qui attendent une rupture des eaux, un garçon qui étudie un vers de Dante, mille cloches de récréation qui sonnent dans toutes les écoles du monde, du vin qui fermente au soutirage, toutes choses qui arrivent au même moment et qui, alliant leur temps au mien, lui donnent de l'ampleur. (p. 106)”


“PorteursNotre monde repose sur les épaules de l'autre. Sur des enfants au travail, sur des plantations et des matières premières payées bon marché : des épaules d'inconnus portent notre poids, obèse de disproportion de richesses. Je l'ai vu.Dans les ascensions qui durent bien des jours vers les camps de base des hautes altitudes, des hommes et aussi des femmes et des enfants portent notre poids dans des hottes tressées. Tables, chaises, vaisselle, tentes, cuisinières, combustibles cordes, matériel d'escalade, nourriture pour plusieurs semaines, en somme un village pour vivre là où il n'y a rien.Ils portent notre poids pour le prix moyen de trois cents roupies népalaises par jour, moins de quatre euros. Les hottes pèsent quarante kilos, mais certains en portent de plus lourdes. Les étapes sont longues, elles fatiguent le voyageur avec son petit sac à dos et le minimum nécessaire.Des porteurs de tout notre confort marchent avec des tongs ou bien pieds nus sur des pentes qui manquent d'oxygène, la température baissant. La nuit, ils campent en plein air autour d'un feu, ils font cuire du riz et des légumes cueillis dans les parages, tant que quelque chose sort de terre. Au Népal, la végétation monte jusqu'à trois mille cinq cents mètres.Nous autres, nous dormons dans une tente avec un repas chaud cuisiné par eux.Ils portent notre poids et ne perdent pas un gramme. Il ne manque pas un mouchoir au bagage remis en fin d'étape.Ils ne sont pas plus faits pour l'altitude que nous, la nuit je les entends tousser. Ce sont souvent des paysans des basses vallées de rizières. Nous avançons péniblement en silence, eux ne renoncent pas à se parler, à raconter, tout en marchant.Nous habillés de couches de technologie légère, aérée, chaude, coupe-vent, et cetera, eux avec des vêtements usés, des pulls en laine archiélimés : ils portent notre poids et sourient cent plus que le plus extraverti de nos joyeux compères.Ils nous préparent des pâtes avec l'eau de la neige, ils nous ont même apporté des oeufs ici, à cinq mille mètres. Sans eux, nous ne serions ni agiles, ni athlétiques, ni riches. Ils disparaissent en fin de transport, ils se dispersent dans les vallées, juste à temps pour le travail du riz et de l'orge. (p. 11-12)”


“Le petit prince était maintenant tout pâle de colère.«Il y a des millions d'années que les fleurs fabriquent des épines. Il y a des millions d'années que les moutons mangent quand même les fleurs. Et ce n'est pas sérieux de chercher à comprendre pourquoi elles se donnent tant de mal pour se fabriquer des épines qui ne servent jamais à rien? Ce n'est pas important la guerre des moutons et des fleurs? Ce n'est pas sérieux et plus important que les additions d'un gros Monsieur rouge? Et si je connais, moi, une fleur unique au monde, qui n'existe nulle part, sauf dans ma planète, et qu'un petit mouton peut anéantir d'un seul coup, comme ça, un matin, sans se rendre compte de ce qu'il fait, ce n'est pas important ça?»Il rougit, puis reprit:«Si quelqu'un aime une fleur qui n'existe qu'à un exemplaire dans les millions d'étoiles, ça suffit pour qu'il soit heureux quand il les regarde. Il se dit: "Ma fleur est là quelque part..." Mais si le mouton mange la fleur, c'est pour lui comme si, brusquement, toutes les étoiles s'éteignaient! Et ce n'est pas important ça!»”


“Si on bouge sans cesse, on impose un sens, une direction au temps. Mais si on s'arrête en se butant comme un âne au milieu du sentier, si on se laisse emporter par la rêverie, alors même le temps s'arrête et n'est plus ce fardeau qui pèse sur nos épaules. Si on ne le porte pas il verse, il se répand tout autour comme la tache d'encre que ma plume faisait toute seule, droite en équilibre sur le buvard, pour retomber ensuite, vide.”