“Parler c'est parcourir un fil. Écrire c'est au contraire le posséder, le démêler.”
“Je vois les choses comme ça : le travail n'est rien, juste un salaire. Ce qui compte c'est d'avoir la tête entre les pieds, le visage au ras du sol pour s'occuper d'en bas. Ce qui compte c'est de plier la nuque vers la terre, d'avoir pour elle plus d'attention que pour les hommes.Ainsi, pour le temps qui reste, il est bon d'avoir affaire aux autres, de se comprendre à fleur de visage, de se raser pour une femme, de combattre toute violence. (p. 29)”
“Je m'entends dire : "Il y a en moi ce qui se trouve chez beaucoup d'hommes dans le monde, amours, coups de feu, des phrases pleines d'épines, aucune envie d'en parler. Nous sommes ordinaires nous autres hommes. Ce qui est spécial, c'est vivre, regarder le soir le creux de sa main et savoir que le lendemain sera nouveau, que le tailleur de la nuit coud la peau, raccommode les cals, reprise les accrocs et dégonfle la fatigue." (p. 44)”
“Si on bouge sans cesse, on impose un sens, une direction au temps. Mais si on s'arrête en se butant comme un âne au milieu du sentier, si on se laisse emporter par la rêverie, alors même le temps s'arrête et n'est plus ce fardeau qui pèse sur nos épaules. Si on ne le porte pas il verse, il se répand tout autour comme la tache d'encre que ma plume faisait toute seule, droite en équilibre sur le buvard, pour retomber ensuite, vide.”
“Si j'ai un état de grâce à haute altitude c'est parce que je suis un "merci" qui marche. (p. 52)”
“Espèce de saint d'Afrique, pensé-je, tu viens donner ta sagesse à un sauvage d'Europe qui suit la lune sur le calendrier et les nuages d'après le bulletin de la radio, et qui ne sait lire aucun mot sans un alphabet. (p. 93)”
“[...] Mots exagérés pour dire qu'il est des réclusions mineures où l'on passe finalement un temps très long avant de s'en libérer. Car c'est bien un acte de volonté subit qui décide du terme et l'on se demande pourquoi on ne s'en est pas délivré plus tôt.”