“Il s’était tant de fois entendu dire ces choses, qu’elles n’avaient pour lui rien d’original. Emma ressemblait à toutes les maîtresses ; et le charme de la nouveauté, peu à peu tombant comme un vêtement, laissait voir à nu l’éternelle monotonie de la passion, qui a toujours les mêmes formes et le même langage. Il ne distinguait pas, cet homme si plein de pratique, la dissemblance des sentiments sous la parité des expressions. Parce que des lèvres libertines ou vénales lui avaient murmuré des phrases pareilles, il ne croyait que faiblement à la candeur de celles-là ; on en devait rabattre, pensait-il, les discours exagérés cachant les affections médiocres ; comme si la plénitude de l’âme ne débordait pas quelquefois par les métaphores les plus vides, puisque personne, jamais, ne peut donner l’exacte mesure de ses besoins, ni de ses conceptions, ni de ses douleurs, et que la parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles.”

Gustave Flaubert

Gustave Flaubert - “Il s’était tant de fois entendu dire...” 1

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“La parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles.”

Gustave Flaubert
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“Faut-il regretter le temps des guerres "à sens" ? souhaiter que les guerres d'aujourd'hui "retrouvent" leur sens perdu ? le monde irait-il mieux, moins bien, indifféremment, si les guerres avaient, comme jadis, ce sens qui les justifiait ? Une part de moi, celle qui a la nostalgie des guerres de résistance et des guerres antifascistes, a tendance à dire : oui, bien sûr ; rien n'est plus navrant que la guerre aveugle et insensée ; la civilisation c'est quand les hommes, tant qu'à faire, savent à peu près pourquoi ils se combattent ; d'autant que, dans une guerre qui a du sens, quand les gens savent à peu près quel est leur but de guerre et quel est celui de leur adversaire, le temps de la raison, de la négociation, de la transaction finit toujours par succéder à celui de la violence ; et d'autant (autre argument) que les guerres sensées sont aussi celles qui, par principe, sont les plus accessibles à la médiation, à l'intervention - ce sont les seules sur lesquelles des tiers, des arbitres, des observateurs engagés, peuvent espérer avoir quelque prise...Une autre part hésite. L'autre part de moi, celle qui soupçonne les guerres à sens d'être les plus sanglantes, celle qui tient la "machine à sens" pour une machine de servitude et le fait de donner un sens à ce qui n'en a pas, c'est-à-dire à la souffrance des hommes, pour un des tours les plus sournois par quoi le Diabolique nous tient, celle qui sait, en un mot, qu'on n'envoie jamais mieux les pauvres gens au casse-pipe qu'en leur racontant qu'ils participent d'une grande aventure ou travaillent à se sauver, cette part-là, donc, répond : "non ; le pire c'était le sens"; le pire c'est, comme disait Blanchot, "que le désastre prenne sens au lieu de prendre corps" ; le pire, le plus terrible, c'est d'habiller de sens le pur insensé de la guerre ; pas question de regretter, non, le "temps maudit du sens". (ch. 10De l'insensé, encore)”

Bernard-Henri Levy
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“Il me semble qu'ils confondent but et moyen ceux qui s'effraient par trop de nos progrès techniques. Quiconque lutte dans l'unique espoir de biens matériels, en effet, ne récolte rien qui vaille de vivre. Mais la machine n'est pas un but. L'avion n'est pas un but : c'est un outil, un outil comme la charrue.Si nous croyons que la machine abîme l'homme c'est que, peut-être, nous manquons un peu de recul pour juger les effets de transformations aussi rapides que celles que nous avons subies. Que sont les cent années de l'histoire de la machine en regard des deux cent mille années de l'histoire de l'homme? C'est à peine si nous nous installons dans ce paysage de mines et de centrales électriques. C'est à peine si nous commençons d'habiter cette maison nouvelle, que nous n'avons même pas achevé de bâtir. Tout a changé si vite autour de nous : rapports humains, conditions de travail, coutumes. Notre psychologie elle-même a été bousculée dans ses bases les plus intimes. Les notions de séparation, d'absence, de distance, de retour, si les mots sont demeurés les mêmes, ne contiennent plus les mêmes réalités. Pour saisir le monde aujourd'hui, nous usons d'un langage qui fut établi pour le monde d'hier. Et la vie du passé nous semble mieux répondre à notre nature, pour la seule raison qu'elle répond mieux à notre langage.Pour le colonial qui fonde un empire, le sens de la vie est de conquérir. Le soldat méprise le colon. Mais le but de cette conquête n'était-il pas l'établissement de ce colon? Ainsi dans l'exaltation de nos progrès, nous avons fait servir les hommes à l'établissement des voies ferrées, à l'érection des usines, au forage de puits de pétrole. Nous avions un peu oublié que nous dressions ces constructions pour servir les hommes.(Terre des Hommes, ch. III)”

Antoine de Saint-Exupéry
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“autrefois, il y avait des galeries aux maisons. Et quelque-fois, les gens restaient assis, tard dans la nuit, bavardant s'ils en avaient envie, se balançant dans leurs fauteuils, silencieux s'ils n'éprouvaient pas le besoin de parler. parfois, ils restaient là, tranquillement, à réfléchir à ruminer. Mon oncle dit que les architectes ont supprimé les galeries pour des raisons d'esthétique. Mais mon oncle dit que c'est un prétexte, rien de plus; la véritable raison, cachée en dessous, c'est qu'on ne voulait pas voir des gens passer des heures assis à ne rien faire, à se balancer, à discuter; c'était une forme détestable de vie en commun. Les gens parlaient trop. Et ils avaient le temps de penser. Alors on a détruit les galeries. Et les jardins, aussi. Il ne reste presque plus de jardins...Et voyez les mobiliers. Plus de rocking-chairs. Ils sont trop confortables. Il faut obliger les gens à courir, à prendre de l'exercise.”

Ray Bradbury
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“Face à ces chiffres, comme on ne sait plus quoi faire, on fait n'importe quoi. Le 14 mars, le ministère de la Santé et du Travail augmente la dose maximale autorisée pour les travailleurs de la centrale de cent millisieverts pour cinq ans... à deux cent cinquante mille millisieverts par an ! C'est vrai, quoi, à quoi bon des normes si ce n'est pour les transgresser ? En avril, il fera encore mieux : il élèvera la dose maximale pour les enfants à vingt millisieverts par an... ce qui est tout simplement le taux maximum en France (et pour la Commission internationale de protection radiologique) auquel on peut exposer les travailleurs du nucléaire ! Le gouvernement fera ensuite machine arrière sous la pression des parents et de plusieurs associations, mais c'est dire le degré de cynisme que l'on peut atteindre pour défendre à tout prix la filière : considérer des gamins sans défense au même niveau que les spécialistes du nucléaire les plus exposés, il fallait le faire. ils l'ont fait. (p. 234)”

Michaël Ferrier
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