“il ne faut chercher que la vérité, sans s'occuper de la morale enseignée, orthodoxe et officielle ; de la morale, cette prétendue loi naturelle, indéfiniment variable, facultative, cette chose dosée différemment pour chaque pays, appréciée de façon nouvelle par chaque expert, prêtre ou législateur, et sans cesse modifiée par tout le monde.”
“Un rideau de flocons blancs ininterrompu miroitait sans cesse en descendant vers la terre; il effaçait les formes, poudrait les choses d'une mousse de glace; et l'on n'entendait plus, dans le grand silence de la ville calme et ensevelie sous l'hiver, que ce froissement vague, innommable et flottant de la neige qui tombe, plutôt sensation que bruit , entremêlement d'atomes légers qui semblaient emplir l'espace, couvrir le monde.”
“Car la même sensation reparaît chaque fois l'ordre établi de choses est renversé, que la sécurité n'existe plus, que tout ce que protégeait les lois des hommes oub celles de la nature, se trouve à la merci d'une brutalité inconsciente et féroce.”
“D’où viennent ces influences mystérieuses qui changent en découragement notre bonheur et notre confiance en détresse ? On dirait que l’air, l’air invisible est plein d’inconnaissables Puissances, dont nous subissons les voisinages mystérieux. Je m’éveille plein de gaieté, avec des envies de chanter dans la gorge. – Pourquoi ? – Je descends le long de l’eau ; et soudain, après une courte promenade, je rentre désolé, comme si quelque malheur m’attendait chez moi. – Pourquoi ? – Est-ce un frisson de froid qui, frôlant ma peau, a ébranlé mes nerfs et assombri mon âme ? Est-ce la forme des nuages, ou la couleur du jour, la couleur des choses, si variable, qui, passant par mes yeux, a troublé ma pensée ? Sait-on ? Tout ce qui nous entoure, tout ce que nous voyons sans le regarder, tout ce que nous frôlons sans le connaître, tout ce que nous touchons sans le palper, tout ce que nous rencontrons sans le distinguer, a sur nous, sur nos organes et, par eux, sur nos idées, sur notre cœur lui-même, des effets rapides, surprenants et inexplicables ?”
“Le coeur peut s'émouvoir souvent à la rencontre d'un autre être,car chacun exerce sur chacun des attractions et des répulsions.Toutes ces influences font naître l'amitié,les caprices,des envies de possession,des ardeurs vives et passagères,mais non pas l'amour véritable.Pour qu'il existe cet amour,il faut que les deux êtres soient tellement nés l'un pour l'autre,se trouvent accrochés l'un à l'autre par tant de points,par tant de goûts pareils,par tant d'affinités de chair,de l'esprit,du caractère,se sentent liés par tant de choses de toute nature,que cela forme un faisceau d'attaches.”
“Bientôt la conversation reprit entre les trois dames, que la présence de cette fille avait rendues subitement amies, presque intimes. Elles devaient faire, leur semblait-il, comme un faisceau de leurs dignités d'épouses en face de cette vendue sans vergogne; car l'amour légal le prend toujours de haut avec son libre confrère. ”
“C’était un de ces hommes politiques à plusieurs faces, sans convictions, sans grands moyens, sans audace et sans connaissance sérieuse, avocat de province, joli homme de chef-lieu, gardant un équilibre de finaud entre tous les partis extrêmes, sorte de jésuite républicain et de champignon libéral de nature douteuse, comme il en pousse par centaines sur le fumier populaire du suffrage universel.Son machiavélisme de village le faisait passer pour fort parmi ses collègues, parmi tous les déclassés et les avortés dont on fait les députés. Il était assez soigné, assez correct, assez familier, assez aimable pour réussir. (…) On disait partout de lui « Laroche sera ministre », et il pensait aussi plus fermement que tous les autres que Laroche serait ministre.”