“Les pseudo-événements qui se pressent dans la dramatisation spectaculaire n'ont pas été vécus par ceux qui en sont informés ; et de plus ils se perdent dans l'inflation de leur remplacement précipité, à chaque pulsion de la machinerie spectaulaire. D'autre part, ce qui a été réellement vécu est sans relation avec le temps irréversible officiel de la société, et en opposition directe au rythme pseudo-cyclique du sous-produit consommable de ce temps. Ce vécu individuel de la vie quotidienne séparée reste sans langage, sans concept, sans accès critique à son propre passé qui n'est consigné nulle part. Il ne se communique pas. Il est incompris et oublié au profit de la fausse mémoire spectaculaire du non-mémorable.”
“Il est ce qui échappe à l'activité des hommes, à la reconsidération et à la correction de leur œuvre.”
“Les force qu'elle a déchaînées suppriment la nécessité economique qui a été la base immuable des sociétés anciennes. Quand elle la remplace par la nécessité du développement economique infini, elle ne peut que remplacer la satisfatction des premiers besoins humains sommairement reconnus, par une fabrication ininterrompue de pseudo-besoins qui se ramènent au seul pseudo-besoin du maintien de son règne.”
“Il est le soleil qui ne se couche jamais sur l'empire de la passivité moderne. Il recouvre toute la surface du monde et baigne indéfiniment dans sa propre gloire.”
“La dame de la Cour de cassation, c'est un arrêt qui tombe au printemps 2000 et qui dit que le juge ne peut pas relever d'office, c'est-à-dire de sa propre initiative, un manquement à la loi. On reconnaît la théorie libérale : on n'a pas plus de droit que celui qu'on réclame ; pour réparer un tort, il faut que celui qui l'a subi s'en plaigne. Dans le cas d'un litige entre un consommateur et un professionnel du crédit, si le consommateur ne se plaint pas du contrat, ce n'est pas au juge de le faire à sa place. Cela se tient dans la théorie libérale, dans la réalité le consommateur ne s'en plaint jamais, parce qu'il ne connaît pas la loi, parce que ce n'est pas lui qui a porté le litige en justice, parce que neuf fois sur dix il n'a pas d'avocat. Peu importe, dit la Cour de cassation, l'office du juge, c'est l'office du juge : il n'a pas à se mêler de ce qui ne le regarde pas ; s'il est scandalisé, il doit le rester en son for intérieur.”
“Celui qui éprouve de l'aversion pour les danseurs et veut les dénigrer se heurtera toujours à un obstacle infranchissable : leur honnêteté ; car en s'exposant constamment au public, le danseur se condamne à être irréprochable ; il n'a pas conclu comme Faust un contrat avec le Diable, il l'a conclu avec l'Ange : il veut faire de sa vie une oeuvre d'art et c'est dans ce travail que l'Ange l'aide ; car, n'oublie pas, la danse est un art ! C'est dans cette obsession de voir en sa propre vie la matière d'une oeuvre d'art que se trouve la vraie essence du danseur ; il ne prêche pas la morale, il la danse ! Il veut émouvoir et éblouir le monde par la beauté de sa vie ! il est amoureux de sa vie comme un sculpteur peut être amoureux de la statue qu'il est en train de modeler." (chapitre 6)”
“Un livre taché d'encre, de café, de thé qui a viré à la rouille, de graisse, croustillant de miettes et parsemé de cils ou de cendres, s'il peut courroucer ou dégoûter un lecteur de passage, sera feuilleté avec bienveillance et tendresse par son propriétaire, car ces marques sont la preuve de l'étude passionnée et des heures de lutte énergique avec les feuilles et les mots. Plus on aime le livre et plus il se plisse, plus il s'épaissit de ces matières organiques. Les livres les moins attirants e sont-ils pas ces livres qui ne sont pas neufs mais à peine usagés, vendus à prix réduits, dont on sent qu'ils ont été lus sans amour puis revendus sans même avoir été abîmés?”