“Je le saluerais d'un cri de victoire, s'il [l'homme nouveau] pouvait prouver que l'existence, sur ce vaste continent, peut se passer des articles de première nécessité ci-dessus mentionnés [laboratoires, usines chimiques, aciéries, avions, munitions, tracteurs et aliments pasteurisés]. Oui, ce serait un type très suprême d'homme s'il apportait la démonstration que l'existence, tant ici qu'ailleurs, peut se passer de travail forcé, d'instruments de torture, d'outils de mort, d'argent, de dernière mode, de prophylaxie, de gouvernement et la suite.”
“Il n'y a pas d'expérience de la mort. Au sens propre, n'est expérimenté que ce qui a été vécu et rendu conscient. Ici, c'est tout juste s'il est possible de parler de l'expérience de la mort des autres. C'est un succédané, une vue de l'esprit et nous n'en sommes jamais très convaincus.”
“Si nous étions lucides, instantanément l'horreur de ce qui nous entoure nous laisserait stupides. On ne saurait être parfaitement lucide et déambuler dans les rues de nos cités modernes sans en être affecté de façon ou d'autre. Ce qui ne signifie pas que nous devrions avoir envie de les reconstruire, nos cités, de les faire un peu moins laides - mais de les planter là, de filer pour ne plus revenir, oui. De tout flanquer en l'air, de plaquer le boulot, d'envoyer paître les obligations, le percepteur, les lois et tout ce qui s'ensuit. Un être humain parfaitement éveillé, croyez-vous qu'il se conduirait en cinglé, comme c'est le cas, comme on le lui demande, à chaque instant de la journée ?”
“J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la naissance de la voix quim'est chère?J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre à se croiser sur ma poitrine ne seplieraient pas au contour de ton corps, peut-être.Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante et me gouverne depuis des jours et des années, jedeviendrais une ombre sans doute. O balances sentimentales.”
“Nous avons coutume de considérer que nous formons un grand corps démocratique dont les membres sont liés entre eux par une communauté de sang et de langage, et dont l'unité indissoluble est assurée par tous les modes de communication qu'ait pu tramer l'ingéniosité de l'homme ; nos vêtements, notre alimentation sont identiques ; nous lisons les mêmes journaux (exactement, titre, poids et tirage mis à part) ; nous sommes le peuple le plus collectiviste du monde, hormis quelques peuplades primitives que nous tenons arriérés dans leur développement. Et pourtant...Pourtant, malgré tant d'apparences qui sembleraient prouver que nous sommes étroitement liés et apparentés ; que nous vivons en bons voisins ; que nous avons bon caractère ; que nous sommes serviables, compatissants, fraternels presque, nous sommes un peuple solitaire, un troupeau morbide et dément, se démenant de tous côtés dans une rage frénétique et jalouse ; un peuple qui voudrait oublier qu'il n'est pas ce qu'il croit, un peuple qui n'est pas réellement uni ; dont les individus n'ont, les uns pour les autres, aucun dévouement réel, aucune attention réelle, ne sont, en vérité, que des unités brassées par Dieu sait quelle main invisible, selon une arithmétique qui n'est pas notre affaire.”
“L’œuvre est une expression de ce qu'est l'homme, de ce qu'il sent, de ce en quoi il croit. Si elle se perpétue et si elle se développe, ce n'est pas tant à cause de l'homme qui l'a entreprise, mais parce que d'autres hommes pensent et sentent de la même façon.”
“[...] la quête d'identité [...] est à la source de nos départs et abreuve le nomadisme de ce nouveau siècle par un simple axiome : "Je suis libre de devenir ce que je veux être. ”