“Si l’on ramène les 4,5 milliards d’années de notre planète à une seule journée terrestre, en supposant que celle-ci soit apparue à 0 heure, alors la vie naît vers 5 heures du matin et se développe pendant toute la journée. Vers 20 heures seulement viennent les premiers mollusques. Puis à 23 heures arrivent les dinosaures qui disparaîtront à 23h40. Quant à nos ancêtres, ils ne débarquent enfin que dans les 5 dernières minutes avant 24 heures et ne voient leur cerveau doubler de volume que dans la toute dernière minute. La révolution industrielle n’a commencé que depuis un centième de seconde.”
“Et il y a des gens qui trouvent que tout cela ne grouille pas assez, qui font des vers, de la poésie, de la surréalité, qui en rajoutent. [...] Les réincarnations, les paradis, les enfers, enfin quoi : après la vie, la mort encore à vivre !”
“Mais à cette heure, où suis-je ? Et comment séparer ce café désert de cette chambre du passé. Je ne sais plus si je vis ou si je me souviens. Les lumières des phares sont là. Et l’Arabe qui se dresse devant moi me dit qu’il va fermer. Il faut sortir. Je ne veux plus descendre cette pente si dangereuse. Il est vrai que je regarde une dernière fois la baie et ses lumières, que ce qui monte alors vers moi n’est pas l’espoir de jours meilleurs, mais une indifférence sereine et primitive à tout et à moi-même. Mais il faut briser cette courbe trop molle et trop facile. Et j’ai besoin de ma lucidité. Oui, tout est simple. Ce sont les hommes qui compliquent les choses. Qu’on ne nous raconte pas d’histoires. Qu’on ne nous dise pas du condamné à mort : « Il va payer sa dette à la société », mais : « On va lui couper le cou. » Ça n’a l’air de rien. Mais ça fait une petite différence. Et puis, il y a des gens qui préfèrent regarder leur destin dans les yeux.”
“N’est-ce pas agréable de se promener à cette heure de la nuit ? J’aime humer les choses, regarder les choses, et il m’arrive de rester toute la nuit debout, à marcher, et de regarder le soleil se lever. (Clarisse McClellan)”
“Mais la connaissance du passé rendu vivant et présent, où la trouve-t-on ? Eh bien, avant tout, dans la littérature ! Et là est à mes yeux la merveille. On la trouve dans les textes français et étrangers, modernes et anciens. Aussi cela me paraît-il une erreur très grave que de représenter l’enseignement de la littérature comme une espèce d’élégance superflue et gratuite. En fait, c’est grâce à la littérature que se forme presque toute notre idée de la vie ; le détour par les textes conduit directement à la formation de l’homme. Ils nous apportent les analyses et les idées, mais aussi les images, les personnages, les mythes, et les rêves qui se sont succédé dans l’esprit des hommes ; ils nous ont un jour émus parce qu’ils étaient exprimés ou décrits avec force ; et c’est de cette expérience que se nourrit la nôtre.”
“autrefois, il y avait des galeries aux maisons. Et quelque-fois, les gens restaient assis, tard dans la nuit, bavardant s'ils en avaient envie, se balançant dans leurs fauteuils, silencieux s'ils n'éprouvaient pas le besoin de parler. parfois, ils restaient là, tranquillement, à réfléchir à ruminer. Mon oncle dit que les architectes ont supprimé les galeries pour des raisons d'esthétique. Mais mon oncle dit que c'est un prétexte, rien de plus; la véritable raison, cachée en dessous, c'est qu'on ne voulait pas voir des gens passer des heures assis à ne rien faire, à se balancer, à discuter; c'était une forme détestable de vie en commun. Les gens parlaient trop. Et ils avaient le temps de penser. Alors on a détruit les galeries. Et les jardins, aussi. Il ne reste presque plus de jardins...Et voyez les mobiliers. Plus de rocking-chairs. Ils sont trop confortables. Il faut obliger les gens à courir, à prendre de l'exercise.”