“S’ils participent tous deux des littératures de l’imaginaire, s’ils ont quelques points communs, comme par exemple leur localisation sur des planètes exotiques et la description de sociétés organisées selon des règles différentes des nôtres, la science-fiction et la fantasy n’en sont pas moins de nature très différente. L’une procède d’un retour à la pensée magique, elle est donc régressive, tandis que l’autre s’appuie sur les conquêtes de l’intelligence et du savoir. L’une flatte l’irrationnel, l’autre est un outil de questionnement du monde. La fantasy est une pure littérature d’évasion alors que la science-fiction est toujours en prise, même dans ses projections les plus lointaines, avec le réel.”

Jacques Baudou

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“Le juge d'instance est l'équivalent pour la justice du médecin de quartier. Loyers impayés, expulsions, saisies sur salaire, tutelle des personnes handicapées ou vieillissantes, litiges portant sur des sommes inférieures à 10 000 euros - au-dessus, cela relève du tribunal de grande instance, qui occupe la partie noble du Palais de justice. Pour qui a fréquenté les assises ou même la correctionnelle, le moins qu'on puisse dire est que l'instance offre un spectacle ingrat. Tout y est petit, les torts, les réparations, les enjeux. La misère est bien là, mais elle n'a pas tourné à la délinquance. On patauge dans la glu du quotidien, on a affaire à des gens qui se débattent dans des difficultés à la fois médiocres et insurmontables, et le plus souvent on n'a même pas affaire à eux car ils ne viennent pas à l'audience, ni leur avocat parce qu'ils n'ont pas d'avocat, alors on se contente de leur envoyer la décision de justice par lettre recommandée, qu'une fois sur deux ils n'oseront pas aller chercher. (p.175)”

Emmanuel Carrère
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“Il ne fait aucun doute pour moi que la sagesse est le but principal de la vie et c'est pourquoi je reviens toujours aux stoïciens. Ils ont atteint la sagesse, on ne peut donc plus les appeler des philosophes au sens propre du terme. De mon point de vue, la sagesse est le terme naturel de la philosophie, sa fin dans les deux sens du mot. Une philosophie finit en sagesse et par là même disparaît.”

Emil Cioran
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“Comment des sociétés contemporaines, restées ignorantes de l'électricité et de la machine à vapeur, n'évoqueraient-elles pas la phase correspondante du développement de la civilisation occidentale ? Comment ne pas comparer les tribus indigènes, sans écriture et sans métallurgie, mais traçant des figures sur les parois rocheuses et fabriquant des outils de pierre, avec les formes archaïques de cette même civilisation, dont les vestiges trouvés dans les grottes de France et d'Espagne attestent la similarité ? C'est là surtout que le faux évolutionnisme s'est donné libre cours. Et pourtant ce jeu séduisant, auquel nous nous abandonnons presque irrésistiblement chaque fois que nous en avons l'occasion (le voyageur occidental ne se complaît-il pas à retrouver le "moyen âge" en Orient, le "siècle de Louis XIV" dans le Pékin d'avant la Première Guerre mondiale, l'"âge de la pierre" parmi les indigènes d'Australie ou de la Nouvelle-Guinée ?), est extraordinairement pernicieux. Des civilisations disparues, nous ne connaissons que certains aspects, et ceux-ci sont d'autant moins nombreux que la civilisation considérée est plus ancienne, puisque les aspects connus sont ceux-là seuls qui ont pu survivre aux destructions du temps. Le procédé consiste donc à prendre la partie pour le tout, à conclure, du fait que certains aspects de deux civilisations (l'une actuelle, l'autre disparue) offrent des ressemblances, à l'analogie de tous les aspects. Or non seulement cette façon de raisonner est logiquement insoutenable, mais dans bon nombre de cas elle est démentie par les faits.”

Claude Levi-Strauss
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“Le développement des connaissances préhistoriques et archéologiques tend à étaler dans l'espace des formes de civilisation que nous étions portés à imaginer comme échelonnées dans le temps. Cela signifie deux choses : d'abord que le "progrès" (si ce terme convient encore pour désigner une réalité très différente de celle à laquelle on l'avait d'abord appliqué) n'est ni nécessaire, ni continue ; il procède par sauts, par bonds, ou, comme diraient les biologistes, par mutations. Ces sauts et ces bonds ne consistent pas à aller toujours plus loin dans la même direction ; ils s'accompagnent de changements d'orientation, un peu à la manière du cavalier des échecs qui a toujours à sa disposition plusieurs progressions mais jamais dans le même sens. L'humanité en progrès ne ressemble guère à un personnage gravissant un escalier, ajoutant par chacun de ses mouvements une marche nouvelle à toutes celles dont la conquête lui est acquise ; elle évoque plutôt le joueur dont la chance est répartie sur plusieurs dés et qui, chaque fois qu'il les jette, les voit s'éparpiller sur le tapis, amenant autant de comptes différents. Ce que l'on gagne sur un, on est toujours exposé à le perdre sur l'autre, et c'est seulement de temps à autre que l'histoire est cumulative, c'est-à-dire que les comptes s'additionnent pour former une combinaison favorable. (p.29-30)”

Claude Levi-Strauss
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“Dès que le brouhaha s’apaise, les premières mesures du morceau suivant s’élèvent, profondes et lentes. Les tintements du triangle et des grelots résonnent, clairs échos du rythme grave des percussions. Alors, Anja se met à chanter.Tes yeux secs cherchent de l’eau dans cette ville morteTes pieds en sang abreuvent la terre assoifféeTu tombes et ne peux plus te lever… Elle vibre, exaltée comme chaque fois par la foule et le chant, flot d’émotions brutes, partagées, échangées avec ses compagnons, avec le public.Tressaillement soudain.Sensation moite et glacée.Un goût âcre envahit sa bouche, un goût de bile et de peur mêlées. Quelqu’un, au milieu de la foule, l’observe. Un regard glisse lentement sur elle, insistant, insidieux, pareil à la langue d’une bête répugnante sur sa peau. Celui qui la traque, l’épie depuis plusieurs semaines se trouve dans la foule ce soir, ombre sournoise et anonyme. La sirène tente d’apercevoir un visage, de surprendre la fixité d’une expression, en vain. Dans la salle, les yeux des spectateurs sont pareilles à des billes de ténèbres opaques, angoissantes. « Qui est-ce ? » « Que veut-il ? » « Est-ce que je le connais ? » « Est-ce lui, le responsable des disparitions ? » « A-t-il un lien avec cette momie ? » « Suis-je sa prochaine cible ? » Ces questions angoissantes, obsédantes, tournent en boucle dans sa tête, brisant la magie du concert. Anja parvient à faire bonne figure, interprète même une mélodie réclamée par le public. Mais se sent terriblement soulagée quand le concert s’achève.Stein repousse ses percussions dans un coin, salue ses deux amies d’un rapide signe de main et quitte la scène. Fast l’attend à l’autre bout de la salle bondée, accoudé au bar. Celui-ci, une antiquité rescapée du Cataclysme, consolidée par des planches de bois peintes, des plaques de tôles et d’épais morceaux de plastique, est la fierté de Senta, la propriétaire des lieux. Il a résisté aux tempêtes, aux pillards, aux siècles et porte comme autant de cicatrices gravées dans sa surface, les traces de milliers de vies.”

Charlotte Bousquet
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