“Le touriste [...] paraît s'engager toujours plus sur cette voie expérimentale : inscrire toujours davantage sa pratique du voyage dans une aventure symbolique, dans "l'intensité d'une fiction", où s'enchaînent les séquences essentielles d'un scénario initiatique : histoire d'un sujet qui se transforme, et où se succèdent effectivement, à travers le départ, l'exploration et le retour, ces phases rituelles bien connues des ethnologues : séparation, initiation et réintégration. Bien des activités touristiques contemporaines peuvent être reconsidérées sous cet angle, notamment comme "rites de passage".”
“Les moments significatifs de la vie sont parfois les plus courts. Telle la seconde d'un flash qui à jamais immortalise un instant et transforme le fugace en impérissable. Tôt ou tard, la photographie jaunie et racornie de cet instant se substitue au souvenir d'une période. Plus encore, elle devient la loupe à travers laquelle on observe cette période, et la déforme. Dans mon souvenir, le reste de ma vie est une création de cet instant précis où j'ai posé les yeux sur lui.”
“[A propos du faux évolutionnisme] Il s'agit d'une tentative pour supprimer la diversité des cultures tout en feignant de la reconnaître pleinement. Car, si l'on traite les différents états où se trouvent les sociétés humaines, tant anciennes que lointaines, comme des stades ou des étapes d'un développement unique qui, partant du même point, doit les faire converger vers le même but, on voit bien que la diversité n'est plus qu'apparente. L'humanité devient une et identique à elle-même ; seulement, cette unité et cette identité ne peuvent se réaliser que progressivement et la variété des cultures illustre les moments d'un processus qui dissimule une réalité plus profonde ou en retarde la manifestation.”
“C'est pas toujours facile, le soir, d'entrer dans une chambre et de s'asseoir au bord du lit pour défaire tranquillement ses lacets et ensuite se glisser dans les draps et regarder le plafond d'un coeur léger.”
“Bien sûr ces changements de comportement culturel et l'invention de mumltiples diversions font partie d'un système économique qui me dépase. J'envisage ce système comme un bain dans une piscine anémiée, stérile, bondée, puant le chlore, en comparaison d'une délicieuse baignade dans un lac au fond des bois, la berge du lac bordée de nénuphars en fleurs où sont perchées de petites tortues, un ou deux hérons dans les grands pins ou dans l'eau peu profonde, quelques serpents d'eau parmi les massifs d'ajoncs, et quand vous plongez vous voyez les poissons qui se reposent immobiles sous les bûches dressées. Même les profondeurs obscures semblent séduisantes en comparaison d'une piscine, comme une promenade printanière sous la pluie dans les bois en comparaison d'une série télévisée où des gens se font descendre ou tabasser à New York ou à Los Angeles tandis que des durs à cuire enchaînent d'insipides répliques soi-disant spirituelles.”
“Il y a, à Venise, trois lieux magiques et secrets : l'un dans la "rue de l'amour des amis", le deuxième près du "pont des merveilles" et le troisième dans le "sentier des marranes", près de San Geremia, dans le vieux ghetto. Quand les Vénitiens - parfois ce sont les Maltais - sont fatigués des autorités, ils vont dans ces lieux secrets et, ouvrant les portes au fond de ces cours, ils s'en vont pour toujours vers des pays merveilleux et vers d'autres histoires...”