“Le voyageur de l'interstice est ce touriste qui, au coeur de l'espace connu ou quotidien, réinvente le regard distancié nécessaire à l'expérience de l'étrangeté et au plaisir de la découverte.”
“[...] fonction symbolique du tourisme interstitiel : réintroduire de l'étrangeté au coeur du quotidien, y rapatrier le regard externe du découvreur - regard ethnologique, naturaliste ou archéologique -, y transférer subrepticement des pratiques et des références étrangères, et restaurer ainsi l'exotisme en des lieux qui paraissent en être dépouillés.”
“Le plaisir sexuel n'était pas seulement supérieur, en raffinement et en violence, à tous les autres plaisirs que pouvait comporter la vie; il n'était pas seulement l'unique plaisir qui ne s'accompagne d'aucun dommage pour l'organisme, mais qui contribue au contraire à le maintenir à son plus haut niveau de vitalité et de force; il était l'unique plaisir, l'unique objectif en vérité de l'existence humaine, et tous les autres - qu'ils soient associés aux nourritures riches, au tabac, aux alcools ou à la drogue - n'étaient que des compensations dérisoires et désespérées, des mini-suicides qui n'avaient pas le courage de dire leur nom, des tentatives pour détruire plus rapidement un corps qui n'avait plus accès au plaisir unique.”
“Mais ce qui ne passera pas, c'est cette impression de découverte de soi que la lecture de Rousseau procure et qui est différente de celle de saint Augustin; car le péché n'est au fond ni l'homo peccator, ni l'homo poenitens, ni l'homo innocens, comme j'ai semblé le dire. Ce n'est pas le fauve ou le renard, le lion, ni même l'âne de la fable qu'il retrouve en nous. C'est le presque-saint, l'ange titubant, le menteur affamé de sincérité, le médiocre hanté par l'idée du parfait. En somme, ce n'est ni le saint, le héros, ni le pécheur ou le pervers : c'est le troisième homme, pécheur inconscient, fils prodigue et qui se pardonne généreusement. C'est le pauvre diable. C'est le pauvre homme. C'est l'homme.Est-ce là le suprême détour de l'orgueil! Est-ce l'humilité vraie sans la vanité de se savoir humble!”
“Quoique bien jeune, j’ai trop connu ce qu’on est convenu d’appeler la vie pour n’avoir pas trouvé au fond de cette mer le mépris de ce qu’on aperçoit à sa surface. ( RAZETTA )”
“Le désir de dire, le souci impérieux de porter témoignage, se trouve immédiatement confronté à toute une série de réticences et de résistances, née de la disproportion entre ce que ces gens ont vécu et le récit qu'il est possible - ou impossible - d'en faire. À peine commence-t-on à raconter qu'on suffoque : nous avons affaire à l'une de ces réalités qui font dire qu'elles dépassent l'entendement ou l'imagination. Je songe à Robert Antelme, au tout début de L'espèce humaine, quand il évoque le sentiment de l'insuffisance ou de l'inutilité du langage pour ces hommes qui ont vu "ce que les hommes ne doivent pas voir". (p. 166)”