“Devenu chant, le cri n'est plus l'expression spontanée, éphémère et solitaire, d'un sentiment particulier; il prend langue avec l'universel.”
“Ce n'est pas pour devenir écrivain qu'on écrit. C'est pour rejoindre en silence cet amour qui manque à tout amour. C'est pour rejoindre le sauvage, l'écorché, le limpide. On écrit une langue simple. On ne fait aucune différence entre l'amour, la langue et le chant. Le chant c'est l'amour. L'amour c'est un fleuve. Il disparaît parfois. Il s'enfonce dans la terre. Il poursuit son cours dans l'épaisseur d'une langue. Il réapparaît ici ou là, invincible, inaltérable. ”
“Il rêvait et il voulait mentir, on lui a coupé la langue pour que sa parole ne vienne plus tromper le monde.”
“Tout ce temps, tous ces visages, tous ces cris de jouissance, ces étreintes sans âme au petit matin, quand la nuit n'est plus, le jour n'est pas encore, ton orgasme prend fin, et tes yeux se dessillent, ta chambre n'est qu'un bordel, Baudelaire est mort et, dans tes bras, il n'y a qu'une putain...”
“La frénésie qu'est devenu le travail agricole est comme le signe d'une discordance grave avec les rythmes de l'univers. Les tracteurs vont et viennent. Ils exigent des terres aussi planes et vastes que possible. Ils répandent des poisons violents afin, paraît-il, que les hommes puissent manger. Quelques-uns ont en effet mangé, puis ont trop mangé, et leur vie est devenue une seule et unique préoccupation lancinante et triste : comment digérer ? (p.217)”
“La situation est "presque normale", "almost normal" comme ils disent - car ils ont leurs réseaux et l'assènent dans toutes les langues. Mais non. Qu'on ne présente pas cette situation comme "normale" ou à peu près normale : ce n'est pas parce qu'on s'y habitue qu'elle est normale. Il n'est pas normal de se promener avec une pastille d'iode dans la poche. Il n'est pas normal de se demander si on prend un risque en mangeant un légume vert. Il n'est pas normal que la pluie soudain devienne notre ennemie. Or, c'est exactement ce qu'ils veulent nous faire croire maintenant, avec leurs arguments doucereux comme des suppositoires. (p. 277)”