“Les mauvaises langues ont l'habitude de voir leurs cobayes tout en noir ou tout en blanc et de leur attribuer des défauts ou des mobiles que le style sténographique de la conversation peut aisément suggérer.”
“si les Américains s'étaient donné autant de mal pour le désarmement que pour envoyer un pauvre type sur la lune, ou coller des rayures roses dans le dentifrice, on l'aurait depuis longtemps, le désarmement. (...) le plus grand péché de l'Occident était de croire qu'il pouvait foutre en l'air le système soviétique par une surenchère dans la course aux armements, parce que dans ce cas-là, on jouait avec le destin de l'humanité. Et qu'en mettant sabre au clair, l'Ouest avait fourni un bon prétexte aux dirigeants soviétiques pour garder leur rideau baissé et instituer un État militaire. (chapitre 4)”
“C’est évident, ma chère enfant. Tu es malheureuse parce qu’il serait anormal, voire indécent d’être heureux quand on est Algérien, ou tout simplement quand on a du cœur. Je connais des algériens qui sont heureux. Mais ceux-là sont des amnésiques. Ils ne sont pas nombreux, certes, mais néanmoins j’en connais, ils ont le geste sûr des complexes ignorés. Ils ont le verbe haut et ne doutent de rien, les malheureux ! Voyez d’ailleurs les ânes comme ils sourient de toutes leurs narines, contents de leur filiation indécise, contents parce que le sourire ridicule de leurs narines marque leur satisfaction suprême de manger des chardons. Même en français ils sont contents de braire.”
“Les experts sont des fanatiques. Ils ne résolvent rien! Ils sont à la solde du système qui les emploie. Ils le perpétuent. Quand nous nous ferons torturer, ce sera par des experts. Quand nous serons pendus, ce sera par des experts. (...) Quand le monde sera détruit, ce ne sera pas par des fous, mais par de sages experts et par l'ignorance incommensurable des bureaucrates. (chapitre 10)”
“si quelque chose peut nous sauver, ce dont je doute, ce sera la vanité (...) aucun chef d'état ne souhaite passer à la postérité comme étant le taré qui a anéanti son pays en un après-midi. Et puis la trouille, peut-être. Dieu soit loué! la plupart de nos beaux politiciens ont une aversion narcissique pour l'auto-destruction. (chapitre 5)”
“L'histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution, et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines.L'histoire justifie ce que l'on veut. Elle n'enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout, et donne des exemples de tout.”
“Nous allons te parler de gens qui vivaient en notre temps, soit il y a plus de cent ans, et ne sont guère plus pour toi que des noms inscrits sur des croix inclinées ou des pierres tombales fissurées. D'une vie et de souvenirs qui ont disparu en vertu de l'implacable loi du temps. En cela, nous allons le changer. Nos paroles sont telles des brigades de sauveteurs qui jamais ne renoncent à leur quête, leur but est d'arracher des événements passés et des vies éteintes au trou noir de l'oubli et cela n'a rien d'une petite entreprise, mais il se peut aussi qu'elles glanent en chemin quelques réponses et qu'elles nous délivrent de l'endroit où nous nous tenons avant qu'il ne soit trop tard. Contentons-nous de cela pour l'instant, nous t'envoyons ces mots, ces brigades de sauveteurs désemparées et éparses. Elles sont incertaines de leur rôle, toutes les boussoles sont hors d'usage, les cartes de géographie déchirées ou obsolètes, mais réserve-leur tout de même bon accueil. Ensuite, nous verrons bien. (p. 4)”