“D'où venait l'apitoiement sur soi ? Cette quantité extraordinaire d'apitoiement sur soi ? Selon presque tous les critères possibles, elle menait une vie très heureuse. Elle avait toutes ses journées pour penser à une façon décente et satisfaisante de vivre, et pourtant tout ce qu'elle semblait récolter avec tous ses choix et toute sa liberté, c'était de plus en plus de malheur. Du coup, l'autobiographie en arrive presque à la conclusion qu'elle se lamentait d'avoir autant de liberté. (p. 262)”

Jonathan Franzen

Jonathan Franzen - “D'où venait l'apitoiement sur soi ... 1

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“La vraie bonté de l'homme ne peut se manifester en toute liberté et en toute pureté qu'à l'égard de ceux qui ne représentent aucune force. Le véritable test moral de l'humanité (le plus radical, qui se situe à un niveau tel qu'il s'échappe à notre regard), ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci; les animaux. Et c'est ici que s'est produite la plus grande déroute de l'homme, débâcle fondamentale dont toutes les autres découlent.”

Milan Kundera
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“C’était une femme originale et solitaire. Elle entretenait un commerce étroit avec les esprits, épousait leurs querelles et refusait de voir certaines personnes de sa famille mal considérées dans le monde où elle se réfugiait.Un petit héritage lui échut qui venait de sa soeur. Ces cinq mille francs, arrivés à la fin d’une vie, se révélèrent assez encombrants. Il fallait les placer. Si presque tous les hommes sont capables de se servir d’une grosse fortune, la difficulté commence quand la somme est petite. Cette femme resta fidèle à elle-même. Près de la mort, elle voulut abriter ses vieux os. Une véritable occasion s’offrait à elle. Au cimetière de sa ville, une concession venait d’expirer et, sur ce terrain, les propriétaires avaient érigé un somptueux caveau, sobre de lignes, en marbre noir, un vrai trésor à tout dire, qu’on lui laissait pourla somme de quatre mille francs. Elle acheta ce caveau. C’était là une valeur sûre, à l’abri des fluctuations boursières et des événements politiques. Elle fit aménager la fosse intérieure, la tint prête à recevoir son propre corps. Et, tout achevé, elle fit graver son nom en capitales d’or.Cette affaire la contenta si profondément qu’elle fut prise d’un véritable amour pour son tombeau. Elle venait voir au début les progrès des travaux Elle finit par se rendre visite tous les dimanches après-midi. Ce fut son unique sortie et sa seule distraction. Vers deux heures de l’après-midi, elle faisait le long trajet qui l’amenait aux portes de la ville où se trouvait le cimetière. Elle entrait dans le petit caveau, refermait soigneusement la porte, et s’agenouillait sur le prie-Dieu. C’est ainsi que, mise en présence d’elle-même, confrontant ce qu’elle était et ce qu’elle devait être, retrouvant l’anneau d’une chaîne toujours rompue, elle perça sans effort les desseins secrets de la Providence. Par un singulier symbole, elle comprit même un jour qu’elle était morte aux yeux du monde. À la Toussaint, arrivée plus tard que d’habitude, elle trouva le pas de la porte pieusement jonché de violettes. Par une délicate attention, des inconnus compatissants devant cette tombe laissée sans fleurs, avaient partagé les leurs et honoré la mémoire de ce mort abandonné à lui-même.”

Albert Camus
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“Fin de l'Histoire (...) La panne du négatif, la fin de la dialectique, le renoncement au labeur technicien et à son inlassable souci de métamorphoser le donné, annonçaient-ils une humanité oisive mais heureuse, presque opulente, qui, en échange de son désir, de sa passion de la reconnaissance et des rivalités mimétiques qui allaient avec, se voyait libérée de ce que Marx appelait "le royaume de la nécessité" et, donc, de ses besoins ? Elle signifie, ici, une terre en friche et vouée à la vermine, les récoltes qui pourrissent, la fange dans les champs, les hommes affamés - elle signifie, non plus l'oisiveté, mais la misère : non plus l'opulence, mais le dénuement ; non plus la satisfaction mais l'empire absolu du besoin.(ch. 25 Hegel et Kojève africains)”

Bernard-Henri Levy
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“Un peu comme lorsque je rentre d'un voyage quelque part et que tout le monde me demande comment c'était : peu à peu mes différentes réponses n'en font plus qu'une, mes impressions se resserrent sur elles-mêmes, ouais, c'est cool, là-bas, et tiens, une anecdote marrante... puis ce discours unique se substitue à la réalité du souvenir.Du coup, j'ai franchement eu peur. J'ai ressenti cette crainte familière, soudainement intense et sincère, qu'une fois toute sensation échappée de ma vie, il ne reste plus de celle-ci qu'un cliché. Et le jour de ma mort, saint Pierre me demanderait :- C'était comment ?- Vraiment super, en bas. J'aimais bien la bouffe. m'enfin, avec la tourista... Bon, les gens sont tous très sympas quand même.Et ça serait tout. (...)Et j'ai décidé de raconter quelque chose de nouveau sur mon séjour à chaque personne qui voudrait que je lui en parle, sans me répéter une seule fois.”

Benjamin Kunkel
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“Une très jolie jeune fille, traitée avec des égards constants et des attentions démesurées par l'ensemble de la population masculine, y compris par ceux - l'immense majorité - qui n'ont plus aucun espoir d'en obtenir une faveur d'ordre sexuel, et même à vrai dire tout particulièrement par eux, avec une émulation abjecte confinant chez certains quinquagénaires au gâtisme pur et simple, une très jolie jeune fille devant qui tous les visages s'ouvrent, toutes les difficultés s'aplanissent, accueillie partout comme si elle était la reine du monde, devient naturellement une espèce de monstre d'égoïsme et de vanité autosatisfaite. La beauté physique joue ici exactement Ie même rôle que la noblesse de sang sous l'Ancien Régime, et la brève conscience qu'elles pourraient prendre à l'adolescence de l'origine purement accidentelle de leur rang cède rapidement la place chez la plupart des très jolies jeunes filles à une sensation de supériorité innée, naturelle, instinctive, qui les place entièrement en dehors, et largement au-dessus du reste de l'humanité. Chacun autour d'elle n'ayant pour objectif que de lui éviter toute peine, et de prévenir Ie moindre de ses désirs, c'est tout uniment (sic) qu'une très jolie jeune fille en vient à considérer Ie reste du monde comme composé d'autant de serviteurs, elle-même n'ayant pour seule tâche que d'entretenir sa propre valeur érotique - dans l'attente de rencontrer un garçon digne d'en recevoir l'hommage. La seule chose qui puisse la sauver sur le plan moral, c'est d'avoir la responsabilité concrète d'un être plus faible, d'être directement et personnellement responsable de la satisfaction de ses besoins physiques, de sa santé, de sa survie - cet être pouvant être un frère ou une soeur plus jeune, un animal domestique, peu importe. (La possibilité d'une île, Daniel 1,15)”

MICHEL HOUELLEBECK
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