“Nous avions un camarade qui devenait facilement bossu. Il avait l'air si pitoyable que souvent dans le métro les Allemands lui cédaient leur place. Il s'asseyait avec mille précautions. Il portait beaucoup de choses dans sa bosse.”

Joseph Kessel

Joseph Kessel - “Nous avions un camarade qui devenait...” 1

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“La différence, évidemment, était qu'ils avaient appris plusieurs siècles auparavant quelque chose que moi, descendant d'un peuple incomparablement plus favorisé, je n'avais jamais été obligé d'acquérir. Ils avaient appris à survivre. La survie était pour moi un fait qui m'était accordé d'avance, et il était donc plus que vraisemblable que dans des circonstances analogues je serais incapable de survivre. Je deviendrais le vieux bougon, l'homme amer qui marche les yeux rivés au sol, le pessimiste qui prophétise partout le désastre et l'échec qu'il appelle de ses voeux ; je serais le suicidaire qui veut entraîner les autres dans sa chute. Il n'y avait pas de place, dans ma culture, pour le genre d'optimisme qui les protégeait dans leur monde, et il ne semblait pas y avoir de place, dans leur culture, pour le genre de rigueur, de complétude et de recherche de symétrie dont je pensais qu'elles me préservaient au sein du mien. (p.223)”

Russell Banks
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“Celui qui éprouve de l'aversion pour les danseurs et veut les dénigrer se heurtera toujours à un obstacle infranchissable : leur honnêteté ; car en s'exposant constamment au public, le danseur se condamne à être irréprochable ; il n'a pas conclu comme Faust un contrat avec le Diable, il l'a conclu avec l'Ange : il veut faire de sa vie une oeuvre d'art et c'est dans ce travail que l'Ange l'aide ; car, n'oublie pas, la danse est un art ! C'est dans cette obsession de voir en sa propre vie la matière d'une oeuvre d'art que se trouve la vraie essence du danseur ; il ne prêche pas la morale, il la danse ! Il veut émouvoir et éblouir le monde par la beauté de sa vie ! il est amoureux de sa vie comme un sculpteur peut être amoureux de la statue qu'il est en train de modeler." (chapitre 6)”

Milan Kundera
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“On apprit qu’il avait été arrêté, en dehors de la ville, en proie à un accès de folie furieuse. On l’avait conduit à l’hôpital où il était mort deux jours après.Une mort pareille était la conséquence nécessaire, naturelle, de toute sa vie. Il devait mourir ainsi, quand tout ce qui le soutenait dans la vie disparaissait d’un coup comme une vision, comme un rêve vide. Il mourut après avoir perdu son dernier espoir, après avoir eu la vision nette de tout ce qui avait leurré et soutenu sa vie. La vérité l’aveugla de son éclat insoutenabe . et ce qui était le mensonge lui apparut tel à lui-même. Pendant la dernière heure de sa vie, il avait entendu un génie merveilleux qui lui avait conté sa propre existence et l’avait condamné pour toujours. Avec le dernier son jailli du violon du génial S... s’était dévoilé à ses yeux tout le mystère de l’art, et le génie, éternellement jeune, puissant et vrai, l’avait écrasé de sa vérité. Il semblait que tout ce qui l’avait tourmenté durant toute sa vie, par des souffrances mystérieuses, indicibles, tout ce qu’il n’avait vu jusqu’à ce jour que dans un rêve et qu’il fuyait avec horreur et se masquait par le mensonge de toute sa vie, tout ce qu’il pressentait et redoutait, tout cela, tout d’un coup, brillait à ses yeux qui, obstinément, ne voulaient par reconnaître que la lumière est la lumière, et que les ténèbres sont les ténèbres. La vérité était intolérable pour ces yeux qui voyaient clair pour la première fois ; elle l’aveugla et détruisit sa raison.Elle l’avait frappé brusquement, comme la foudre. Soudain s’était réalisé ce qu’il avait attendu toute sa vie avec un tremblement de terreur. Il semblait que durant toute sa vie une hache avait été suspendue au-dessus de sa tête ; que toute sa vie il avait attendu à chaque instant, dans des souffrance indicibles, que cette hache le frappât. Enfin elle l’avait frappé. Le coup était mortel. Il voulait s’enfuir, mais il ne savait où aller. Le dernier espoir s’était évanoui, le dernier prétexte anéanti. Celle dont la vie lui avait été un fardeau pendant de longues années, celle dont la mort, ainsi qu’il le croyait dans son aveuglement, devait amener sa résurrection à lui, était morte. Enfin il était seul ; rien ne le gênait. Il était enfin libre ! Pour la dernière fois, dans un accès de désespoir, il avait voulu se juger soi-même, se condamner impitoyablement comme un juge équitable ; mais son archet avait faibli et n’avait pu que répéter faiblement la dernière phrase musicale du génie. À ce moment, la folie, qui le guettait depuis dix ans, l’avait frappé irrémissiblement”

Fyodor Dostoevsky
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“Un jour le Meschacebé, encore assez près de sa source, se lassa de n'être qu'un limpide ruisseau. Il demande des neiges aux montagnes, des eaux aux torrents, des pluies aux tempêtes, il franchit ses rives, et désole ses bords charmants. L'orgueilleux ruisseau s'applaudit d'abord de sa puissance; mais voyant que tout devenait désert sur son passage; qu'il coulait, abandonné dans la solitude; que ses eaux étaient toujours troublées, il regretta l'humble lit que lui avait creusé la nature, les oiseaux, les fleurs, les arbres et les ruisseaux, jadis modestes compagnons de son paisible cours.”

François-René de Chateaubriand
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“Dans ce silence de la mort, toute ma vie se déroula comme une chose inévitable, terrible par sa sévère logique. Je ne voyais pas de faits distincts, mais une ligne droite qui allait du jour de ma naissance au soir d’aujourd’hui. Elle ne pouvait aller plus loin : c’était clair. Mais j’ai déjà dit que, deux mois avant, j’avais senti l’approche de la mort, et tous les hommes la sentent de même. Le pressentiment a son rôle dans la vie de chacun de nous, et il ne déçoit pas. Le poète parle avec une admirable justesse quand il dit : « Les événements futurs jettent une ombre devant eux. » Si les hommes se plaignent quelquefois d’avoir été trompés par le pressentiment, c’est parce que leurs sensations leur restent obscures : toujours ils désirent ou appréhendent, et ils prennent leur peur ou leur espoir pour le pressentiment.”

Alexeï Apoukhtine
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