“Un livre taché d'encre, de café, de thé qui a viré à la rouille, de graisse, croustillant de miettes et parsemé de cils ou de cendres, s'il peut courroucer ou dégoûter un lecteur de passage, sera feuilleté avec bienveillance et tendresse par son propriétaire, car ces marques sont la preuve de l'étude passionnée et des heures de lutte énergique avec les feuilles et les mots. Plus on aime le livre et plus il se plisse, plus il s'épaissit de ces matières organiques. Les livres les moins attirants e sont-ils pas ces livres qui ne sont pas neufs mais à peine usagés, vendus à prix réduits, dont on sent qu'ils ont été lus sans amour puis revendus sans même avoir été abîmés?”

Laurence Tuot

Laurence Tuot - “Un livre taché d'encre, de café, de thé...” 1

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“...à propos des intellectuels justement... C'est facile de se foutre de leur gueule... Ouais, c'est vachement facile... Souvent, ils sont pas très musclés et en plus, ils n'aiment pas ça, se battre... Ça ne les excite pas plus que ça les bruits des bottes, les médailles et les grosses limousines, alors oui, c'est pas très dur... Il suffit de leur arracher leur livre des mains, leur guitare, leur crayon ou leur appareil photo et déjà ils ne sont plus bons à rien, ces empotés... D'ailleurs, les dictateurs, c'est souvent la première chose qu'ils font: casser les lunettes, brûler les livres ou interdire les concerts, ça leur coûte pas cher et ça peut leur éviter bien des contrariétés par la suite... Mais tu vois, si être intello ça veut dire aimer s'instruire, être curieux, attentif, admirer, s'émouvoir, essayer de comprendre comment tout ça tient debout et tenter de se coucher un peu moins con que la veille, alors oui, je le revendique totalement: non seulement je suis une intello, mais en plus je suis fière de l'être... Vachement fière, même...”

Anna Gavalda
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“Dans 1984, les livres sont plus ou moins interdits. Aujourd'hui le problème est réglé, pas la peine de les interdire: les gens n'ont plus vraiment envie de lire, de toute façon, ils savent de moins en moins lire, même le journal. ("La violence des casseroles", http://www.lapresse.ca/debats/chroniq...)”

Pierre Foglia
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“Mais le narrateur est plutôt tenté de croire qu’en donnant trop d’importance aux belles actions, on rend finalement un hommage indirect et puissant au mal. Car on laisse supposer alors que ces belles actions n’ont tant de prix que parce qu’elles sont rares et que la méchanceté et l’indifférence sont des moteurs bien plus fréquents dans les actions des hommes. C’est là une idée que le narrateur ne partage pas. Le mal qui est dans le monde vient presque toujours de l’ignorance, et la bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté, si elle n’est pas éclairée. Les hommes sont plutôt bons que mauvais, et en vérité ce n’est pas la question. Mais ils ignorent plus ou moins, et c’est ce qu’on appelle vertu ou vice, le vice le plus désespérant étant celui de l’ignorance qui croit tout savoir et qui s'autorise alors a tuer. L'âme du meurtrier est aveugle et il n’y a pas de vraie bonté ni de belle amour sans toute la clairvoyance possible.”

Albert Camus
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“Et, assurément, la réalité est plus sombre encore que n'osait la prévoir le savant [F. Schrader] qui formulait en 1911 ces conclusions, dont les technocrates et les promoteurs de l'époque ont dû sourire. Il ne pouvait imaginer ni les pluies acides, ni la pollution des rivières et des mers par le mercure et les autres déchets de l'industrie chimique et atomique, ou par l'élévation artificielle de la température de l'eau due aux usines riveraines. Il n'avait pas prévu que plus de deux mille espèces animales seraient exterminées avant la fin du siècle ; il ne savait encore rien de l'usage des herbicides, ni des sournois dépotoirs atomiques, cachés dans des endroits écartés, quand ce n'est pas aux abords des villes, ou transportés secrètement à prix d'or pour continuer leur cycle millénaire de nuisance dans le sous-sol des continents pauvres. Il n'eût même pas été capable d'imaginer le désastre de nos marées noires, fruit de l'incurie et de l'avidité, car une construction plus solide et plus rationnelle des pétroliers obligerait à en éliminer la plupart. Il ne pouvait pas prévoir non plus la destruction de la stratosphère, la raréfaction de l'oxygène et de l'ozone, la calotte thermique obscurcissant la lumière solaire et élevant artificiellement la température au ras du sol. On voit du moins qu'il en savait assez pour signaler le chemin pris par nos apprentis sorciers et par nos marchands du Temple, qui de nos jours n'encombrent plus seulement les abords des sanctuaires mais la terre entière. Ce qu'il disait, avec quelques autres (Albert Schweitzer, un peu plus tard, en Afrique, était alerté lui aussi par les trop soudains changements de climat), nous le crions aujourd'hui. (p. 275)”

Marguerite Yourcenar
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“L'acte de penser l'intéressait maintenant plus que les douteux produits de la pensée elle-même. (...) Toute sa vie, il s'était ébahi de cette faculté qu'ont les idées de s'agglomérer froidement comme des cristaux en d'étranges figures vaines, de croître comme des tumeurs dévorant la chair qui les a conçues, ou encore d'assumer monstrueusement certains linéaments de la personne humaine, comme ces masses inertes dont accouchent certaines femmes, et qui ne sont en somme que de la matière qui rêve. (...) D'autres notions, plus propres et plus nettes, forgées comme par un maître ouvrier, étaient de ces objets qui font illusion à distance; on ne se lassait pas d'admirer leurs angles et leurs parallèles; elles n'étaient néanmoins que les barreaux dans lesquels l'entendement s'enferme lui-même, et la rouille du faux mangeait déjà ces abstraites ferrailles. (...) Les notions mouraient comme les hommes: il avait vu au cours d'un demi-siècle plusieurs générations d'idées tomber en poussière.(L'abîme)”

Marguerite Yourcenar
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