“Ce matin, l'idée m'est venue pour la première fois que mon corps, ce fidèle compagnon, cet ami plus sûr, mieux connu de moi que mon âme, n'est qu'un monstre sournois qui finira par dévorer son maître.”

Marguerite Yourcenar

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“Ce n'était pas trop de toute une vie pour confronter l'un par l'autre ce monde où nous sommes et ce monde qui est nous.”


“- Vous êtes plus pessimiste qu'autrefois ?- Pessimisme et optimisme, encore deux mots que je récuse. Il s'agit d'avoir les yeux ouverts. Le médecin qui analyse le sang et les selles d'un malade, mesure sa fièvre et prend sa tension, n'est ni optimiste ni pessimiste : il fait de son mieux à partir de ce qui est. Mais, si l'on peut employer ce misérable mot, je me sens pessimiste quand je constate combien la masse humaine a peu changé depuis des millénaires. Les plus grands réformateurs se sont généralement heurtés à cette quasi-impossibilité de changer l'homme, et leur leçon s'est généralement perdue après eux. (p.240)”


“Et, assurément, la réalité est plus sombre encore que n'osait la prévoir le savant [F. Schrader] qui formulait en 1911 ces conclusions, dont les technocrates et les promoteurs de l'époque ont dû sourire. Il ne pouvait imaginer ni les pluies acides, ni la pollution des rivières et des mers par le mercure et les autres déchets de l'industrie chimique et atomique, ou par l'élévation artificielle de la température de l'eau due aux usines riveraines. Il n'avait pas prévu que plus de deux mille espèces animales seraient exterminées avant la fin du siècle ; il ne savait encore rien de l'usage des herbicides, ni des sournois dépotoirs atomiques, cachés dans des endroits écartés, quand ce n'est pas aux abords des villes, ou transportés secrètement à prix d'or pour continuer leur cycle millénaire de nuisance dans le sous-sol des continents pauvres. Il n'eût même pas été capable d'imaginer le désastre de nos marées noires, fruit de l'incurie et de l'avidité, car une construction plus solide et plus rationnelle des pétroliers obligerait à en éliminer la plupart. Il ne pouvait pas prévoir non plus la destruction de la stratosphère, la raréfaction de l'oxygène et de l'ozone, la calotte thermique obscurcissant la lumière solaire et élevant artificiellement la température au ras du sol. On voit du moins qu'il en savait assez pour signaler le chemin pris par nos apprentis sorciers et par nos marchands du Temple, qui de nos jours n'encombrent plus seulement les abords des sanctuaires mais la terre entière. Ce qu'il disait, avec quelques autres (Albert Schweitzer, un peu plus tard, en Afrique, était alerté lui aussi par les trop soudains changements de climat), nous le crions aujourd'hui. (p. 275)”


“En ce qui me concerne, je suis végétarienne à quatre-vingt-quinze pour cent. L'exception principale serait le poisson, que je mange peut-être deux fois par semaine pour varier un peu mon régime et en n'ignorant pas, d'ailleurs, que dans la mer telle que nous l'avons faite le poisson est lui aussi contaminé. Mais je n'oublie surtout pas l'agonie du poisson tiré par la ligne ou tressautant sur le pont d'une barque. Tout comme Zénon, il me déplaît de "digérer des agonies". En tout cas, le moins de volaille possible, et presque uniquement les jours où l'on offre un repas à quelqu'un ; pas de veau, pas d'agneau, pas de porc, sauf en de rares occasions un sandwich au jambon mangé au bord d'une route ; et naturellement pas de gibier, ni de bœuf, bien entendu.- Pourquoi, bien entendu ?- Parce que j'ai un profond sentiment d'attachement et de respect pour l'animal dont la femelle nous donne le lait et représente la fertilité de la terre. Curieusement, dès ma petite enfance, j'ai refusé de manger de la viande et on a eu la grande sagesse de ne pas m'obliger à le faire. Plus tard, vers la quinzième année, à l'âge où l'on veut "être comme tout le monde", j'ai changé d'avis ; puis, vers quarante ans, je suis revenue à mon point de vue de la sixième année.(p. 288)”


“Chaque fois que je vais dans un super-market, ce qui du reste m'arrive rarement, je me crois en Russie. C'est la même nourriture imposée d'en haut, pareille où qu'on aille, imposée par des trusts au lieu de l'être par des organismes d’État. Les États-Unis, en un sens, sont aussi totalitaires que l'URSS, et dans l'un comme dans l'autre pays, et comme partout d'ailleurs, le progrès (c'est-à-dire l'accroissement de l'immédiat bien-être humain) ou même le maintien du présent état de choses dépend de structures de plus en plus complexes et de plus en plus fragiles. Comme l'humanisme un peu béat du bourgeois de 1900, le progrès à jet continu est un rêve d'hier. Il faut réapprendre à aimer la condition humaine telle qu'elle est, accepter ses limitations et ses dangers, se remettre de plain-pied avec les choses, renoncer à nos dogmes de partis, de pays, de classes, de religions, tous intransigeants et donc tous mortels. Quand je pétris la pâte, je pense aux gens qui ont fait pousser le blé, je pense aux profiteurs qui en font monter artificiellement le prix, aux technocrates qui en ont ruiné la qualité - non que les techniques récentes soient nécessairement un mal, mais parce qu'elles se sont mises au service de l'avidité qui en est un, et parce que la plupart ne peuvent s'exercer qu'à l'aide de grandes concentrations de forces, toujours pleines de potentiels périls. Je pense aux gens qui n'ont pas de pain, et à ceux qui en ont trop, je pense à la terre et au soleil qui font pousser les plantes. Je me sens à la fois idéaliste et matérialiste. Le prétendu idéaliste ne voit pas le pain, ni le prix du pain, et le matérialiste, par un curieux paradoxe, ignore ce que signifie cette chose immense et divine que nous appelons "la matière". (p. 242)”


“Le souvenir n'est qu'un regard posé de temps en temps sur des êtres devenus intérieurs,mais qui ne dépendent pas de la mémoire pour continuer d'exister.”