“L'homme est une entreprise qui a contre elle le temps, la nécessité, la fortune, et l'imbécile et toujours croissante primauté du nombre, dit plus posément le philosophe. Les hommes tueront l'homme.(La visite du chanoine)”
“La joie, le bonheur et la chaleur brûlante de l'amour forment la trinité qui fait de nous des hommes, celle qui justifie l'existence et lui donne plus de grandeur que la mort, cependant, elle n'offre pas plus d'abri que cela contre les vents venus du pôle.”
“Fin de l'Histoire (...) La panne du négatif, la fin de la dialectique, le renoncement au labeur technicien et à son inlassable souci de métamorphoser le donné, annonçaient-ils une humanité oisive mais heureuse, presque opulente, qui, en échange de son désir, de sa passion de la reconnaissance et des rivalités mimétiques qui allaient avec, se voyait libérée de ce que Marx appelait "le royaume de la nécessité" et, donc, de ses besoins ? Elle signifie, ici, une terre en friche et vouée à la vermine, les récoltes qui pourrissent, la fange dans les champs, les hommes affamés - elle signifie, non plus l'oisiveté, mais la misère : non plus l'opulence, mais le dénuement ; non plus la satisfaction mais l'empire absolu du besoin.(ch. 25 Hegel et Kojève africains)”
“Entre la victime et le bourreau, entre le révolutionnaire et le policier, entre la bureaucratie et le dissident, il y a une connivence de vocabulaire, des obsessions, des clichés mentaux qui restreignent, diminuent, limitent notre vision de l'homme. Je sympathise avec la victime contre le bourreau, avec le dissident contre la bureaucratie, mais, pour m'approcher de la vérité, il faut que je brise le cercle étroit de leur dispute qui prétend trompeusement être le cœur du réel.”
“La guerre, c'est la discipline. La sujétion maximale. L'esclavage. C'est l'une des situations où l'homme est le plus soumis à l'homme et a le moins d'issues pour y échapper. Il est empoigné. Réquisitionné. Ballotté par des ordres mécaniques. Objet d'un sadisme sans réplique. Exposé à l'humiliation ou au feu. Numéroté. Broyé. Astreint à la corvée. Pris dans des mouvements collectifs très lents, très obscurs, parfaitement indéchiffrables, qui, au plus naturellement rebelle, ne laissent d'autre choix que de se plier. La guerre c'est la circonstance, par excellence, où joue ce pouvoir de laisser vivre et de faire mourir qui est, selon les bons philosophes, le propre du pouvoir absolu. L'homme de guerre c'est le dernier des hommes, c'est-à-dire l'esclave absolu. (ch. 12Les mots de la guerre)”
“- Ma mère dit que le cinéma substituait à notre regard un monde qui s'accordait à nos désirs... souffla-t-il.Mais Nuit et Brouillard ne cadrait pas avec cette définition.- Le cinéma est plutôt comme une bataille, déclara Fuji.- Une bataille contre quoi ?- Contre mille ennemis différents et contradictoires. Contre l'ennui. Contre la frénésie. Contre le quotidien désenchanté. Contre les lendemains qui chantent. Contre les bourrasques qui avalent nos cauchemars. Contre les usines qui broient nos rêves. Contre les laisses invisibles qui nous étranglent. Contre les habitudes qui nous ferment les yeux.Fuji soupira et reprit :- Et dans cette bataille, Nuit et Brouillard, avec son texte et ses images implacables, lutte aux avant-postes. Contre l'oubli. Contre les monstres du passé. Contre l'effacement des crimes effroyables de l'Histoire. Nuit et Brouillard lutte contre tout cela. Et prouve que le cinéma peut abriter le temps.”