“Je ne sais pas ce qu'aurait pensé Zhang Heng de la catastrophe de Fukushima, de ce tremblement de terre si puissant qu'il a accéléré la vitesse de rotation de la Terre et raccourci la durée du jour. Sans doute aurait-il eu une pensée pour les milliers de disparus emportés par la boue et se serait-il penché avec toute sa puissance d'analyse, sans faire allégeance à qui que ce soit, sur le mystère menaçant des radiations. J'imagine qu'il aurait eu bien des choses à nous dire - ou à nous rappeler - sur la souveraineté de la nature, la puissance et la terreur de la technique, les ravages de notre habitat, l'asburdité de nos modes de production ou notre frénésie de consommation - famine organisée d'un côté, et de l'autre gaspillage insensé. (p. 16)”

Michaël Ferrier
Dreams Neutral

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“Hiroshima était un acte de guerre visant à mettre à terre un peuple (qui était déjà à genoux), quelles qu'en soient les conséquences. Les centrales de Fukushima se présentent au contraire comme une activité économique prétendant assurer l'agrément et l'opulence des populations, dans la sécurité maximale et pour le contentement de tous. Hiroshima est un événement ponctuel, inhabituel et extrême, tandis que Fukushima est l'exemple type d'une certaine configuration technique et économique, qui s'est installée sans crier gare dans la quotidienneté des jours et forme aujourd'hui l'horizon présenté comme indépassable de nos modes de production et de consommation. (p. 301)”


“Face à ces chiffres, comme on ne sait plus quoi faire, on fait n'importe quoi. Le 14 mars, le ministère de la Santé et du Travail augmente la dose maximale autorisée pour les travailleurs de la centrale de cent millisieverts pour cinq ans... à deux cent cinquante mille millisieverts par an ! C'est vrai, quoi, à quoi bon des normes si ce n'est pour les transgresser ? En avril, il fera encore mieux : il élèvera la dose maximale pour les enfants à vingt millisieverts par an... ce qui est tout simplement le taux maximum en France (et pour la Commission internationale de protection radiologique) auquel on peut exposer les travailleurs du nucléaire ! Le gouvernement fera ensuite machine arrière sous la pression des parents et de plusieurs associations, mais c'est dire le degré de cynisme que l'on peut atteindre pour défendre à tout prix la filière : considérer des gamins sans défense au même niveau que les spécialistes du nucléaire les plus exposés, il fallait le faire. ils l'ont fait. (p. 234)”


“Le désir de dire, le souci impérieux de porter témoignage, se trouve immédiatement confronté à toute une série de réticences et de résistances, née de la disproportion entre ce que ces gens ont vécu et le récit qu'il est possible - ou impossible - d'en faire. À peine commence-t-on à raconter qu'on suffoque : nous avons affaire à l'une de ces réalités qui font dire qu'elles dépassent l'entendement ou l'imagination. Je songe à Robert Antelme, au tout début de L'espèce humaine, quand il évoque le sentiment de l'insuffisance ou de l'inutilité du langage pour ces hommes qui ont vu "ce que les hommes ne doivent pas voir". (p. 166)”


“La vie, désormais : la gestion des déchets. Que faire de la terre et des boues contaminées, des feuilles ?Pour les déchets, on brûle comme on peut, on enterre à la sauvette. Quand on brûle, les incinérateurs rejettent dans l'air des poussières radioactives qui se reposent ailleurs, toujours un peu plus loin. On décontamine un lieu en en contaminant un autre : c'est un cercle vicieux. Ou alors, on nettoie à mains nues ou avec des gants et des masques, dans de grandes opérations citoyennes aussi spectaculaires qu'absurdes. Ce faisant, on ne fait qu'appliquer un des principes de base du nucléaire, où le problème des déchets n'est jamais résolu, il est remis à plus tard, infiniment et indéfiniment remis à plus tard. (p. 272)”


“L'eau, le vent, les feuilles.L'herbe, les champignons, les baies.Se rouler dans l'herbe.Sentir la pluie sur son visage, au petit matin - odeur de vin et d'algue - dans une rue de Tokyo.Voici quelques échantillons de ce qui, petit à petit, nous devient de jour en jour un peu plus interdit. (p. 289)”


“[...] la foi, l'acte de croire à des mythes, des idéologies ou des légendes surnaturels, est la conséquence de la biologie. [...] Il est dans notre nature de survivre. La foi est une réponse instinctive à des aspects de l'existence que nous ne pouvons expliquer autrement, que ce soit le vide moral que nous percevons dans l'univers, la certitude de la mort, le mystère des origines, le sens de notre propre vie ou son absence de sens. Ce sont des aspects élémentaires et d'une extraordinaire simplicité, mais nos propres limitations nous empêchent de donner des réponses sans équivoque à ces questions et, pour cette raison, nous générons pour nous défendre une réponse émotionnelle. C'est de la pure et simple biologie. [...] Toute interprétation ou observation de la réalité l'est par nécessité. En l’occurrence, le problème réside dans le fait que l'homme est un animal moral abandonné dans un monde amoral, condamné à une existence finie et sans autre signification que de perpétuer le cycle naturel de l'espèce. Il est impossible de survivre dans un état prolongé de réalité, au moins pour un être humain.”