“Dans le monde moderne on pouvait être échangiste, bi, trans, zoophile, SM, mais il était interdit d'être vieux. (La possibilité d'une île, Daniel 1,15)”
“Finalement, le plus grand bénéfice du métier d'humoriste, et plus généralement de l'attitude humoristique, dans la vie, c'est de pouvoir se comporter comme un salaud en toute impunité, et même de pouvoir grassement rentabiliser son abjection, en succès sexuels comme en numéraire, le tout avec l'approbation générale. (La possibilité d'une île, Daniel 1,1)”
“Qu'est-ce qu'un chien, sinon une machine à aimer ? On lui présente un être humain, en lui donnant pour mission de l'aimer - et aussi disgracieux, pervers, déformé ou stupide soit-il, le chien l'aime. Cette caractéristique était si surprenante, si frappante pour les humains de l'ancienne race que la plupart - tous les témoignages concordent - en venaient à aimer leur chien en retour. le chien était donc une machine à aimer à effet d'entraînement - dont l'efficacité, cependant, restait limitée aux chiens, et ne s'étendait jamais aux autres hommes. (La possibilité d'une île, Danie l25,2)”
“L'avantage de tenir un discours moral, c'est que ce type de propos a été soumis à une censure si forte, et depuis tant d'années, qu'il provoque un effet d'incongruité et attire aussitôt l'attention de l'interlocuteur ; l'inconvénient, c'est que celui-ci ne parvient jamais à vous prendre tout à fait au sérieux. (La possibilité d'une île, Daniel 1,15)”
“La seule chance de survie, lorsqu'on est sincèrement épris, consiste à le dissimuler à la femme qu'on aime, à feindre en toutes circonstances un léger détachement. Quelle tristesse, dans cette simple constatation !... Il ne m'était cependant jamais venu à l'esprit de contester cette loi, ni d'envisager de m'y soustraire : l'amour rend faible, et le plus faible des deux est opprimé, torturé et finalement tué par l'autre, qui de son côté opprime, torture et tue sans penser à mal, sans même en éprouver de plaisir, avec une complète indifférence ; voilà ce que les hommes, ordinairement, appellent l'amour. (La possibilité d'une île, Daniel 1,13)”
“Toute fin de vie quelconque s'apparente plus ou moins au rangement; on n'a plus envie de se lancer dans un projet neuf, on se contente d'expédier les affaires courantes. Toute chose que l'on n'a jamais faite, fût-elle aussi anodine que préparer une mayonnaise ou disputer une partie d'échecs, devient peu à peu inaccessible, le désir de toute nouvelle expérience comme de toute nouvelle sensation disparaît absolument. (La possibilité d'une île, Daniel 1,23)”
“Une très jolie jeune fille, traitée avec des égards constants et des attentions démesurées par l'ensemble de la population masculine, y compris par ceux - l'immense majorité - qui n'ont plus aucun espoir d'en obtenir une faveur d'ordre sexuel, et même à vrai dire tout particulièrement par eux, avec une émulation abjecte confinant chez certains quinquagénaires au gâtisme pur et simple, une très jolie jeune fille devant qui tous les visages s'ouvrent, toutes les difficultés s'aplanissent, accueillie partout comme si elle était la reine du monde, devient naturellement une espèce de monstre d'égoïsme et de vanité autosatisfaite. La beauté physique joue ici exactement Ie même rôle que la noblesse de sang sous l'Ancien Régime, et la brève conscience qu'elles pourraient prendre à l'adolescence de l'origine purement accidentelle de leur rang cède rapidement la place chez la plupart des très jolies jeunes filles à une sensation de supériorité innée, naturelle, instinctive, qui les place entièrement en dehors, et largement au-dessus du reste de l'humanité. Chacun autour d'elle n'ayant pour objectif que de lui éviter toute peine, et de prévenir Ie moindre de ses désirs, c'est tout uniment (sic) qu'une très jolie jeune fille en vient à considérer Ie reste du monde comme composé d'autant de serviteurs, elle-même n'ayant pour seule tâche que d'entretenir sa propre valeur érotique - dans l'attente de rencontrer un garçon digne d'en recevoir l'hommage. La seule chose qui puisse la sauver sur le plan moral, c'est d'avoir la responsabilité concrète d'un être plus faible, d'être directement et personnellement responsable de la satisfaction de ses besoins physiques, de sa santé, de sa survie - cet être pouvant être un frère ou une soeur plus jeune, un animal domestique, peu importe. (La possibilité d'une île, Daniel 1,15)”