“La seule chance de survie, lorsqu'on est sincèrement épris, consiste à le dissimuler à la femme qu'on aime, à feindre en toutes circonstances un léger détachement. Quelle tristesse, dans cette simple constatation !... Il ne m'était cependant jamais venu à l'esprit de contester cette loi, ni d'envisager de m'y soustraire : l'amour rend faible, et le plus faible des deux est opprimé, torturé et finalement tué par l'autre, qui de son côté opprime, torture et tue sans penser à mal, sans même en éprouver de plaisir, avec une complète indifférence ; voilà ce que les hommes, ordinairement, appellent l'amour. (La possibilité d'une île, Daniel 1,13)”

MICHEL HOUELLEBECK

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“La seule chance de survie, lorsqu'on est sincèrement épris, consiste à dissimuler à la femme qu'on aime, à feindre en toute circonstance un léger détachement.”


“Esther n'était certainement pas bien éduquée au sens habituel du terme, jamais l'idée ne lui serait venue de vider un cendrier ou de débarrasser le relief de ses repas, et c'est sans la moindre gêne qu'elle laissait la lumière allumée derrière elle dans les pièces qu'elle venait de quitter (il m'est arrivé, suivant pas à pas son parcours dans ma résidence de San Jose, d'avoir à actionner dix-sept commutateurs); il n'était pas davantage question de lui demander de penser à faire un achat, de ramener d'un magasin où elle se rendait une course non destinée à son propre usage, ou plus généralement de rendre un service quelconque. Comme toutes les très jolies jeunes filles elle n'était au fond bonne qu'à baiser, et il aurait été stupide de l'employer à autre chose, de la voir autrement que comme un animal de luxe, en tout choyé et gåté, protégé de tout souci comme de toute tâche ennuyeuse ou pénible afin de mieux pouvoir se consacrer à son service exclusivement sexuel. Elle n'en était pas moins très loin d'être ce monstre d'arrogance, d'égoïsme absolu et froid, au, pour parler en termes plus baudelairiens, cette infernale petite salope que sont la plupart des très jolies jeunes filles; il y avait en elle la conscience de la maladie, de la faiblesse et de la mort. Quoique belle, très belle, infiniment érotique et désirable, Esther n'en était pas moins sensible aux infirmités animales, parce qu'elle les connaissait ; c'est ce soir-là que j'en pris conscience, et que je me mis véritablement à l'aimer. Le désir physique, si violent soit-il, n'avait jamais suffi chez moi à conduire à l'amour, il n'avait pu atteindre ce stade ultime que lorsqu'il s'accompagnait, par une juxtaposition étrange, d'une compassion pour l'être désiré ; tout être vivant, évidemment, mérite la compassion du simple fait qu'il est en vie et se trouve par là-même exposé à des souffrances sans nombre, mais face à un être jeune et en pleine santé c'est une considération qui paraît bien théorique. Par sa maladie de reins, par sa faiblesse physique insoupçonnable mais réelle, Esther pouvait susciter en moi une compassion non feinte, chaque fois que l'envie me prendrait d'éprouver ce sentiment à son égard. Étant elle-même compatissante, ayant même des aspirations occasionnelles à la bonté, elle pouvait également susciter en moi l'estime, ce qui parachevait l'édifice, car je n'étais pas un être de passion, pas essentiellement, et si je pouvais désirer quelqu'un de parfaitement méprisable, s'il m'était arrivé à plusieurs reprises de baiser des filles dans l'unique but d'assurer mon emprise sur elles et au fond de les dominer, si j'étais même allé jusqu'à utiliser ce peu louable sentiment dans des sketches, jusqu'à manifester une compréhension troublante pour ces violeurs qui sacrifient leur victime immédiatement après avoir disposé de son corps, j'avais par contre toujours eu besoin d'estimer pour aimer, jamais au fond je ne m'étais senti parfaitement à l'aise dans une relation sexuelle basée sur la pure attirance érotique et l'indifférence à l'autre, j'avais toujours eu besoin, pour me sentir sexuellement heureux, d'un minimum - à défaut d'amour - de sympathie, d'estime, de compréhension mutuelle; l'humanité non, je n'y avais pas renoncé. (La possibilité d'une île, Daniel 1,15)”


“Qu'est-ce qu'un chien, sinon une machine à aimer ? On lui présente un être humain, en lui donnant pour mission de l'aimer - et aussi disgracieux, pervers, déformé ou stupide soit-il, le chien l'aime. Cette caractéristique était si surprenante, si frappante pour les humains de l'ancienne race que la plupart - tous les témoignages concordent - en venaient à aimer leur chien en retour. le chien était donc une machine à aimer à effet d'entraînement - dont l'efficacité, cependant, restait limitée aux chiens, et ne s'étendait jamais aux autres hommes. (La possibilité d'une île, Danie l25,2)”


“Il est possible qu'à des époques antérieures, où les ours étaient nombreux, la virilité ait pu jouer un rôle spécifique et irremplaçable; mais depuis quelques siècles, les hommes ne servaient visiblement à peu près plus à rien. Ils trompaient parfois leur ennui en faisant des parties de tennis, ce qui étaient un moindre mal; mais parfois aussi ils estimaient utile de faire avancer l'histoire, c'est-à-dire essentiellement de provoquer des révolutions et des guerres. Outre les souffrances absurdes qu'elles provoquaient, les révolutions et les guerres détruisaient le meilleurs du passé, obligeant à chaque fois à faire table rase pour rebâtir. Non inscrite dans le cours régulier d'une ascension progressive, l'évolution humaine acquérait ainsi un tour chaotique, déstructuré, irrégulier et violent. Tout cela les hommes (avec leur goût du risque et du jeu, leur vanité grotesque, leur irresponsabilité, leur violence foncière) en étaient directement et exclusivement responsables. Un monde composé de femmes serait à tous points de vue infiniment supérieur; il évoluerait plus lentement, mais avec régularité, sans retours en arriêre et sans remises en cause néfastes, vers un état de bonheur commun.”


“Finalement, le plus grand bénéfice du métier d'humoriste, et plus généralement de l'attitude humoristique, dans la vie, c'est de pouvoir se comporter comme un salaud en toute impunité, et même de pouvoir grassement rentabiliser son abjection, en succès sexuels comme en numéraire, le tout avec l'approbation générale. (La possibilité d'une île, Daniel 1,1)”


“L'avantage de tenir un discours moral, c'est que ce type de propos a été soumis à une censure si forte, et depuis tant d'années, qu'il provoque un effet d'incongruité et attire aussitôt l'attention de l'interlocuteur ; l'inconvénient, c'est que celui-ci ne parvient jamais à vous prendre tout à fait au sérieux. (La possibilité d'une île, Daniel 1,15)”