“Il peut arriver des situations (dans les régimes dictatoriaux, par exemple) où prendre publiquement position est dangereux ; pour le danseur ce l'est pourtant un peu moins que pour les autres, car, s'étant promené sous la lumière des projecteurs, visible de partout, il est protégé par l'attention du monde ; mais il a ses admirateurs anonymes qui, obéissant à son appel aussi splendide qu'irréfléchie, signent des pétitions, participent à des réunions interdites, manifestent dans la rue ; ceux-là seront traités sans ménagement et le danseur ne cédera jamais à la tentation sentimentale de se reprocher d'avoir causé leur malheur, sachant qu'une noble cause pèse plus que la vie d'un tel ou un tel. (chapitre 6)”

Milan Kundera
Time Neutral

Explore This Quote Further

Quote by Milan Kundera: “Il peut arriver des situations (dans les régimes… - Image 1

Similar quotes

“Celui qui éprouve de l'aversion pour les danseurs et veut les dénigrer se heurtera toujours à un obstacle infranchissable : leur honnêteté ; car en s'exposant constamment au public, le danseur se condamne à être irréprochable ; il n'a pas conclu comme Faust un contrat avec le Diable, il l'a conclu avec l'Ange : il veut faire de sa vie une oeuvre d'art et c'est dans ce travail que l'Ange l'aide ; car, n'oublie pas, la danse est un art ! C'est dans cette obsession de voir en sa propre vie la matière d'une oeuvre d'art que se trouve la vraie essence du danseur ; il ne prêche pas la morale, il la danse ! Il veut émouvoir et éblouir le monde par la beauté de sa vie ! il est amoureux de sa vie comme un sculpteur peut être amoureux de la statue qu'il est en train de modeler." (chapitre 6)”


“Si un danseur a la possibilité d'entrer dans le jeu politique, il refusera ostensiblement toutes les négociations secrètes (qui sont depuis toujours le terrain de jeu de la vraie politique) en les dénonçant comme mensongères, malhonnêtes, hypocrites, sales ; il avancera ses propositions publiquement, sur une estrade, en chantant, en dansant, et appellera nommément les autres à le suivre dans son action ; j'insiste : non pas discrètement (pour donner à l'autre le temps de réfléchir, de discuter des contrepropositions) mais publiquement, et si possible par surprise : "Êtes-vous prêt tout de suite (comme moi) à renoncer à votre salaire du mois de mars au profit des enfants de Somalie ?" Surpris, les gens n'auront que deux possibilités : ou bien refuser et ainsi se discréditer en tant qu'ennemis des enfants, ou bien dire "oui" dans un terrible embarras que la caméra devra malicieusement montrer (chapitre 6)”


“L'homme ne peut jamais savoir ce qu'il faut vouloir car il n'a qu'une vie et il ne peut ni la comparer à des vies antérieures ni la rectifier dans des vies ultérieures. (...) Il n'existe aucun moyen de vérifier quelle décision est la bonne car il n'existe aucune comparaison. Tout est vécu tout de suite pour la première fois et sans préparation. Comme si un acteur entrait en scène sans avoir jamais répété. Mais que peut valoir la vie, si la première répétition de la vie est déjà la vie même ? C'est ce qui fait que la vie ressemble toujours à une esquisse. Mais même "esquisse" n'est pas le mot juste, car une esquisse est toujours l'ébauche de quelque chose, la préparation d'un tableau, tandis que l'esquisse qu'est notre vie est une esquisse de rien, une ébauche sans tableau. (partie I, ch. 3)”


“Tous les hommes politiques d'aujourd'hui, selon Pontevin, sont un peu danseurs, et tous les danseurs se mêlent de politique, ce qui, toutefois, ne devrait pas nous amener à les confondre. Le danseur se distingue de l'homme politique ordinaire en ceci qu'il ne désire pas le pouvoir mais la gloire ; il ne désire pas imposer au monde telle ou telle organisation sociale (il s'en soucie comme d'une guigne) mais occuper la scène pour faire rayonner son moi.”


“La vie, désormais : la gestion des déchets. Que faire de la terre et des boues contaminées, des feuilles ?Pour les déchets, on brûle comme on peut, on enterre à la sauvette. Quand on brûle, les incinérateurs rejettent dans l'air des poussières radioactives qui se reposent ailleurs, toujours un peu plus loin. On décontamine un lieu en en contaminant un autre : c'est un cercle vicieux. Ou alors, on nettoie à mains nues ou avec des gants et des masques, dans de grandes opérations citoyennes aussi spectaculaires qu'absurdes. Ce faisant, on ne fait qu'appliquer un des principes de base du nucléaire, où le problème des déchets n'est jamais résolu, il est remis à plus tard, infiniment et indéfiniment remis à plus tard. (p. 272)”


“[...] la foi, l'acte de croire à des mythes, des idéologies ou des légendes surnaturels, est la conséquence de la biologie. [...] Il est dans notre nature de survivre. La foi est une réponse instinctive à des aspects de l'existence que nous ne pouvons expliquer autrement, que ce soit le vide moral que nous percevons dans l'univers, la certitude de la mort, le mystère des origines, le sens de notre propre vie ou son absence de sens. Ce sont des aspects élémentaires et d'une extraordinaire simplicité, mais nos propres limitations nous empêchent de donner des réponses sans équivoque à ces questions et, pour cette raison, nous générons pour nous défendre une réponse émotionnelle. C'est de la pure et simple biologie. [...] Toute interprétation ou observation de la réalité l'est par nécessité. En l’occurrence, le problème réside dans le fait que l'homme est un animal moral abandonné dans un monde amoral, condamné à une existence finie et sans autre signification que de perpétuer le cycle naturel de l'espèce. Il est impossible de survivre dans un état prolongé de réalité, au moins pour un être humain.”