“Nadie parece haber caído en cuenta de que si la existencia es absurda, lograr en ella un éxito brillante no tiene más valor que fracasar por completo.”
“Pensando en eso esta noche, con el corazón y el estómago hechos papilla, me digo que al fin de cuentas quizá sea eso la vida: mucha desesperación pero también algunos momentos de belleza donde el tiempo ya no es igual. Es como si las notas musicales hicieran una suerte de paréntesis en el tiempo, una suspensión, otro lugar aquí mismo, un siempre en el jamás.Si, eso es, un siempre en el jamás.”
“Sí, es agradable pues gozamos de una doble ofrenda, la de ver consagrada en esta ruptura en el orden de las cosas la inamovilidad de un ritual al que hemos dado forma juntas para que, tarde tras tarde, se enquistara en la realidad hasta el punto de conferirle sentido y consistencia y que, por el hecho de transgredirse esta mañana, adquiere de pronto toda su fuerza; pero saboreamos también, como lo habríamos hecho de haber sido un néctar preciado, el don portentoso de esa mañana incongruente en la que los gestos mecánicos toman un impulso nuevo, en la que aspirar el aroma, probar, dejar reposar, servir de nuevo, beber a pequeños sorbos viene a ser vivir un nuevo renacer. Esos instantes en que se nos revela la trama de nuestra existencia, mediante la fuerza de un ritual que recuperaremos como era antes con mayor placer aún por haberlo infringido, son paréntesis mágicos que le ponen a uno el corazón al borde del alma, porque, fugitiva pero intensamente, una pizca de eternidad ha venido de pronto a fecundar el tiempo. Afuera, el mundo ruge o se adormece, arden las guerras, los hombres viven y mueren, perecen unas naciones y surgen otras antes de caer a su vez, arrasadas, y en todo ese ruido y toda esa furia, en esas erupciones y esas resacas, mientras el mundo va, se incendia, se desgarra y renace, se agita la vida humana.Entonces, tomemos una taza de té.”
“Je savais qu'un afflux inespéré d'énergie l'avait levé de son lit, lui avait donné la force de s'habiller, la soif de sortir, le désir que nous partagions une fois encore ce plaisir conjugal et je savais aussi que c'était le signe qu'il restait peu de temps, l'état de grâce qui précède la fin, mais cela ne m'importait pas et je voulais seulement profiter de cela, de ces instants dérobés au joug de la maladie, de sa main tiède dans la mienne et des vibrations de plaisir qui nous parcouraient tous deux parce que, grâce en soit rendue au ciel, c'était un film dont nous pouvions partager ensemble la saveur.”
“«Je m’appelle Paloma, j’ai douze ans, j’habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches. Mais malgré toute cette chance et toute cette richesse, depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c’est le bocal à poissons; la vacuité et l’ineptie de l’existence. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. Même si on compare avec les adultes, je suis beaucoup plus maligne que la plupart d’entre eux. C’est comme ça. Je n’en suis pas spécialement fière parce que je n’y suis pour rien. Mais ce qui est certain, c’est que dans le bocal, je n’irais pas. C’est une décision bien réfléchie. Même pour une personne aussi intelligente que moi, aussi douée pour les études, aussi différente des autres et aussi supérieure à la plupart, la vie est déjà toute tracée et c’est triste à pleurer : personne ne semble avoir songé au fait que si l’existence est absurde, y réussir brillamment n’a pas plus de valeur qu’y échouer. C’est seulement plus confortable. Et encore : je crois que la lucidité rend le succès amer alors que la médiocrité espère toujours quelque chose.»”
“Aïe, aïe, aïe, je me suis dit, est-ce que ça veut dire que c'est comme ça qu'il faut mener sa vie ? Toujours en équilibre entre la beauté et la mort, le mouvement et sa disparition ?C'est peut-être ça, être vivant : traquer des instants qui meurent.”
“... c'est peut-être ça la vie : beaucoup de désespoir mais aussi quelques moments de beauté où le temps n'est plus le même. C'est comme si les notes de musique faisaient un genre de parenthèses dans le temps, de supension, un ailleurs ici même, un toujours dans le jamais. Oui, c'est ça, un toujours dans le jamais.”