“En anglais, to make up, ce n'est pas seulement se maquiller, c'est aussi inventer, imaginer. (p.46)”
“Libertins et talibans c'est blanc bonnet et bonnet blanc à cet égard : les premiers veulent l'érotisme sans la procréation, et les seconds la procréation sans l'érotisme ; dans les deux cas, ce qui coince c'est la mère qui s'envoie en l'air !”
“La langue anglais fait la distinction entre deux types de nudité: alors que "nude" implique le recul, le regard qui cadre et met à distance, "naked" fait sentir toute la vulnérabilité d'un corps dévêtu, exposé, intime ou intimidé. (p.170)”
“O bonheur de l'imaginaire, du possible, du concevable ! Premier des droits humains : le fantasme ! N'être pas là où l'on est ; être là où l'on n'est pas. Oui, ça fonctionne dans les deux sens : pendant que son mari la ramone avec monotonie, l'épouse peut penser aux courses qu'il lui reste à faire ; en essuyant la vaisselle, par contre, libre à elle de partir au septième ciel avec l'amant de ses rêves.”
“On a inventé tant de choses, se dit-elle en composant lentement le numéro d'Aziz. Il ne devrait pas être possible de prendre un bout de carton plastifié, orné de lettres et de chiffres en bas-relief, de tapoter, sur des touches métalliques, un numéro de quinze chiffres rangé dans notre mémoire parmi des dizaines d'autres - des identifiants tous azimuts, téléphone, compte en banque, sécurité sociale, plaque d'immatriculation, codes postaux, codes bancaires, codes porte -, d'appuyer contre son oreille une sorte de berceuse noire en bakélite, et d'entendre, encodée puis décodée par deux mille kilomètres de fils de cuivre, la voix de la personne qu'on aime.”
“Ce chaton en peluche, par exemple, accroché à la clef des toilettes : voilà un objet qui ne joue assurément qu'un rôle mineur dans l'histoire de l'humanité... mais, puisque la propriétaire de ce café l'a jugé digne d'être préposé à cet emploi, il doit signifier quelque chose pour elle. L'a-t-elle acheté elle-même? reçu en cadeau? Lui a-t-il fait pensé à un chat qu'elle a aimé, enfant, et qui est mort écrasé par une voiture ou massacré par un chien?”
“Images juxtaposées des comportements virils à travers le monde : défilés militaires devant le Kremlin à Moscou, réunions de la Camorra à Naples, discours de réception à l'Académie française avec épées et uniformes verts, congrégation de motards en Californie, rites d'initiation des Indiens bororos du Brésil, proxénètes de Tel-Aviv, traders de Tokyo, supporters de foot de Manchester, sénateurs, francs-maçons, prisonniers - oh, les postures ! les attitudes ! les mécaniques ! oh, les mecs ! Aussi angoissés qu'arrogants, leur arrogance n'étant que l'envers de leur angoisse, car ils sont tellement plus mortels que nous ! Oh, l'attendrissant besoin de ces primates supérieurs sans utérus de se durcir et de se décorer, de parader et de pétarader pour se donner de l'allure, du poids et du sérieux !”