“On a inventé tant de choses, se dit-elle en composant lentement le numéro d'Aziz. Il ne devrait pas être possible de prendre un bout de carton plastifié, orné de lettres et de chiffres en bas-relief, de tapoter, sur des touches métalliques, un numéro de quinze chiffres rangé dans notre mémoire parmi des dizaines d'autres - des identifiants tous azimuts, téléphone, compte en banque, sécurité sociale, plaque d'immatriculation, codes postaux, codes bancaires, codes porte -, d'appuyer contre son oreille une sorte de berceuse noire en bakélite, et d'entendre, encodée puis décodée par deux mille kilomètres de fils de cuivre, la voix de la personne qu'on aime.”

Nancy Huston

Nancy Huston - “On a inventé tant de choses, se dit-elle...” 1

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“Puis elle s’avisa que la lettre pourrait être utile, la défroissa soigneusement sur son couvre—pied et la relut en se rongeant les ongles. Quand elle eut une bonne demi—douzaine de rognures, elle les rassembla entre le pouce et l’index, défit le pommeau de cuivre d’un montant de son lit et les laissa tomber dedans, l’air grave et solennel. Depuis une cinquantaine d’années, elle accumulait ainsi ses rognures et avait déjà rempli les deux montants du pied. C’était une des rares et modesres joies de son existence solitaire que de se figurer en esprit de temps à autre la masse qu’elles formeraient si on les rassemblait dans un seau. (chapitre 28)”

Yves Beauchemin
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“L'histoire des théologies nous montre que les chefs religieux ont toujours affirmé qu'au moyen de rituels, que par des répétitions de prières ou de mantras, que par l'imitation de certains comportements, par le refoulement des désirs, par des disciplines mentales et la sublimation des passions, que par un frein, imposé aux appétits, sexuels et autres, on parvient après s'être suffisamment torturé l'esprit et le corps, à trouver un quelque-chose qui transcende cette petite vie.Voilà ce que des millions de personnes soi-disant religieuses ont fait au cours des âges ; soit en s'isolant, en s'en allant dans un désert, sur une montagne ou dans une caverne ; soit en errant de village en village avec un bol de mendiant ; ou bien en se réunissant en groupes, dans des monastères, en vue de contraindre leur esprit à se conformer à des modèles établis.”

Jiddu Krishnamurti
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“PorteursNotre monde repose sur les épaules de l'autre. Sur des enfants au travail, sur des plantations et des matières premières payées bon marché : des épaules d'inconnus portent notre poids, obèse de disproportion de richesses. Je l'ai vu.Dans les ascensions qui durent bien des jours vers les camps de base des hautes altitudes, des hommes et aussi des femmes et des enfants portent notre poids dans des hottes tressées. Tables, chaises, vaisselle, tentes, cuisinières, combustibles cordes, matériel d'escalade, nourriture pour plusieurs semaines, en somme un village pour vivre là où il n'y a rien.Ils portent notre poids pour le prix moyen de trois cents roupies népalaises par jour, moins de quatre euros. Les hottes pèsent quarante kilos, mais certains en portent de plus lourdes. Les étapes sont longues, elles fatiguent le voyageur avec son petit sac à dos et le minimum nécessaire.Des porteurs de tout notre confort marchent avec des tongs ou bien pieds nus sur des pentes qui manquent d'oxygène, la température baissant. La nuit, ils campent en plein air autour d'un feu, ils font cuire du riz et des légumes cueillis dans les parages, tant que quelque chose sort de terre. Au Népal, la végétation monte jusqu'à trois mille cinq cents mètres.Nous autres, nous dormons dans une tente avec un repas chaud cuisiné par eux.Ils portent notre poids et ne perdent pas un gramme. Il ne manque pas un mouchoir au bagage remis en fin d'étape.Ils ne sont pas plus faits pour l'altitude que nous, la nuit je les entends tousser. Ce sont souvent des paysans des basses vallées de rizières. Nous avançons péniblement en silence, eux ne renoncent pas à se parler, à raconter, tout en marchant.Nous habillés de couches de technologie légère, aérée, chaude, coupe-vent, et cetera, eux avec des vêtements usés, des pulls en laine archiélimés : ils portent notre poids et sourient cent plus que le plus extraverti de nos joyeux compères.Ils nous préparent des pâtes avec l'eau de la neige, ils nous ont même apporté des oeufs ici, à cinq mille mètres. Sans eux, nous ne serions ni agiles, ni athlétiques, ni riches. Ils disparaissent en fin de transport, ils se dispersent dans les vallées, juste à temps pour le travail du riz et de l'orge. (p. 11-12)”

Erri De Luca
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“‎En fin d'après-midi à couper le souffle,tous sur cette plage merveilleuses étaient à couper le souffle,tous sur cette plage merveilleuse étaient en proie à la terreur .terreur de se trouver seul,terreur de l'obscurité qui peuplait de démons l'imagination,terreur de faire qq chose de prohibé par le code des usages,terreur du jugement de Dieu,terreur d'une justice inflexible à la moindre faute,terreur de risquer et de perdre,terreur de gagner et être jalousé,terreur d’être aimé et d’être repoussé , terreur de demander une augmentation ,d'accepter une invitation ,de se lancer dans l'inconnu , de ne pas réussir à parler une langue étrangère,de ne pas être capable d'impressionner les autres, vieillir, mourir , d’être remarqué pour ses défauts , de ne pas être remarqué pour ses qualités, de n’être remarqué ni pour ses qualités ,ni pour ses défauts....TERREUR,TERREUR,TERREUR...La vie est le régime de la terreur , l'ombre de la guillotine.”

Paulo Coelho
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“[...] la foi, l'acte de croire à des mythes, des idéologies ou des légendes surnaturels, est la conséquence de la biologie. [...] Il est dans notre nature de survivre. La foi est une réponse instinctive à des aspects de l'existence que nous ne pouvons expliquer autrement, que ce soit le vide moral que nous percevons dans l'univers, la certitude de la mort, le mystère des origines, le sens de notre propre vie ou son absence de sens. Ce sont des aspects élémentaires et d'une extraordinaire simplicité, mais nos propres limitations nous empêchent de donner des réponses sans équivoque à ces questions et, pour cette raison, nous générons pour nous défendre une réponse émotionnelle. C'est de la pure et simple biologie. [...] Toute interprétation ou observation de la réalité l'est par nécessité. En l’occurrence, le problème réside dans le fait que l'homme est un animal moral abandonné dans un monde amoral, condamné à une existence finie et sans autre signification que de perpétuer le cycle naturel de l'espèce. Il est impossible de survivre dans un état prolongé de réalité, au moins pour un être humain.”

Carlos Ruiz Zafon
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