“Mireille se retourne enfin. Effectivement, elle mastique quelque chose, mais sa bouche suinte d'une substance rouge qui ne peut être que du sang. La vendeuse croit pendant une seconde qu'elle s'est blessée, mais comprend son erreur en voyant sa cliente porter le livre de verre à ses lèvres et mordre à pleines dents dans la première page à moitié cassée. La vitre craque et se brise, et Mireille se remet à mâcher lentement les morceaux coupants, les yeux égarés, en laissant choir des miettes de vitre et de chair.”

Patrick Senécal

Patrick Senécal - “Mireille se retourne enfin...” 1

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“Fin de l'Histoire (...) La panne du négatif, la fin de la dialectique, le renoncement au labeur technicien et à son inlassable souci de métamorphoser le donné, annonçaient-ils une humanité oisive mais heureuse, presque opulente, qui, en échange de son désir, de sa passion de la reconnaissance et des rivalités mimétiques qui allaient avec, se voyait libérée de ce que Marx appelait "le royaume de la nécessité" et, donc, de ses besoins ? Elle signifie, ici, une terre en friche et vouée à la vermine, les récoltes qui pourrissent, la fange dans les champs, les hommes affamés - elle signifie, non plus l'oisiveté, mais la misère : non plus l'opulence, mais le dénuement ; non plus la satisfaction mais l'empire absolu du besoin.(ch. 25 Hegel et Kojève africains)”

Bernard-Henri Levy
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“Que la langue du génocide ne doive, à aucun prix, se galvauder ; que veiller sur la probité des mots en général et de celui-ci en particulier soit une tâche intellectuelle et politique prioritaire ; qu'il se soit produit à Auschwitz, un événement sans précédent, incomparable à tout autre et que la lutte contre la banalisation, et de la chose, et du mot qui la désigne, soit un impératif, non seulement pour les Juifs, mais pour tous ceux que lèse ce crime (autrement dit, l'humain comme tel ; l'humain en chaque homme, chaque femme, d'aujourd'hui) ; que la Shoah soit le génocide absolu, l'étalon du genre, la mesure même du non-humain ; que cette singularité tienne tant à l'effroyable rationalité des méthodes (bureaucratie, industrie du cadavre, chambre à gaz) qu'à sa non moins terrible part d'irrationalité (l'histoire folle, souvent notée, des trains de déportés qui avaient, jusqu'au dernier jour, priorité sur les convois d'armes et de troupes), à sa systématicité (des armées de tueurs lâchés, dans toute l'Europe, à la poursuite de Juifs qui devaient être traqués, exterminés sans reste, jusqu'au dernier) ou à sa dimension, son intention métaphysique (par-delà les corps les âmes et, par-delà les âmes, la mémoire même des textes juifs et de la loi) - tout cela est évident ; c'est et ce sera de plus en plus difficile à faire entendre, mais c'est établi et évident...(ch. 57La Shoah au coeur et dans la tête)”

Bernard-Henri Levy
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“Comment l'Histoire pourrait-elle mieux servir la vie qu'en attachant à leur patrie et aux coutumes de leur patrie les races et les peuples moins favorisés, en leur donnant des goûts sédentaires, ce qui les empêche de chercher mieux à l'étranger, de rivaliser dans la lutte pour parvenir à ce mieux? Parfois cela paraît être de l'entêtement et de la déraison qui visse en quelque sorte l'individu à tels compagnons et à tel entourage, à telles habitudes laborieuses, à tels stérile coteau. Mais c'est la déraison la plus salutaire, celle qui profite le plus à la collectivité. Chacun le sait, qui s'est rendu compte des terribles effets de l'esprit d'aventure, de la fièvre d'émigration, quand ils s'emparent de peuplades entières, chacun le sait, qui a vu de près un peuple ayant perdu la fidélité à son passé, abandonné à une chasse fiévreuse de la nouveauté, à une recherche perpétuelle des éléments étrangers. Le sentiment contraire, le plaisir que l'arbre prend à ses racines, le bonheur que l'on éprouve à ne pas se sentir né de l'arbitraire et du hasard, mais sorti d'un passé — héritier, floraison, fruit — , ce qui excuserait et justifierait même l'existence : c'est là ce que l'on appelle aujourd'hui, avec une certaine prédilection, le sens historique.Deuxième Considération intempestive. ch. 3”

Friedrich Nietzsche
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“Mais la connaissance du passé rendu vivant et présent, où la trouve-t-on ? Eh bien, avant tout, dans la littérature ! Et là est à mes yeux la merveille. On la trouve dans les textes français et étrangers, modernes et anciens. Aussi cela me paraît-il une erreur très grave que de représenter l’enseignement de la littérature comme une espèce d’élégance superflue et gratuite. En fait, c’est grâce à la littérature que se forme presque toute notre idée de la vie ; le détour par les textes conduit directement à la formation de l’homme. Ils nous apportent les analyses et les idées, mais aussi les images, les personnages, les mythes, et les rêves qui se sont succédé dans l’esprit des hommes ; ils nous ont un jour émus parce qu’ils étaient exprimés ou décrits avec force ; et c’est de cette expérience que se nourrit la nôtre.”

Jacqueline de Romilly
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“Si la simple expression de la douleur et de la joie soulage le coeur, les épanchements de la poésie lyrique [ont] une mission plus haute ; celle, non de délivrer l'esprit du sentiment, mais de l'affranchir dans le sentiment.En effet, la domination aveugle de la passion consiste en ce que l'âme s'identifie tout entière avec elle, au point de ne plus pouvoir s'en détacher, de ne pouvoir se contempler et s'exprimer elle-même. Or la poésie délivre, à la vérité, l'âme de cette oppression en lui mettant sous les yeux sa propre image. Elle fait de chaque sentiment accidentel un objet purifié, dans lequel l'âme affranchie retourne libre à elle-même dans sa conscience délivrée et s'y retrouve chez elle.”

Georg Wilhelm Friedrich Hegel
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