“Au lieu de t'acheter un objet que tu aimerais posséder, je te donne un objet qui m'appartiens, vraiment à moi, un cadeau. C'est un témoignage de respect envers celui qui se tient face à moi. une façon de lui faire comprendre combien il importe d'être près de lui. Il possède maintenant une petite part de moi-même, que je lui ai librement et spontanément remise.”
“Il avait réussi à atteindre la part de moi qui restait attachée à lui. Je n,ai pas deviné, imaginé qu'il allait insister, revenir, jusqu'à ce que je lui donne la preuve hors de tout doute, que cette part était morte. Jusqu'à ce que, forcément, j'aies réussi à la tuer en moi-même.”
“Moi qui prêchais la non-violence, moi qui n'avais jamais donné la moindre taloche à mes enfants, moi qui n'avais jamais répondu à l'injustice ou à l'autorité arbitraire que par du silence ou des pleurs! Moi, j'étais pétrie de violence, j'étais la violence même, la violence incarnée! ...Une fois de plus j'étais émerveillée par la belle et compliquée organisation de l'esprit des êtres humains. La rencontre avec ma violence est intervenue quand il le fallait. Je ne l'aurais pas supportée avant, je n'aurais pas été capable de l'assumer. ...Au cours de mon adolescence ma violence avait resurgi quelques fois. Mais je ne savais pas que c'était elle, je me croyais en proie à une crise de nerfs que je sentais monter dans ma gorge. Je m'enfermais alors dans un endroit, et, seule, honteusement, je déchirais mes vêtements ou je cassais un objet.”
“Quand il m'arrive de sentir que mon temps est peu de chose, je pense à celui qui s'écoule simultanément dans bien des endroits du monde et qui passe près du mien : ce sont des arbres qui chassent des pollens, des femmes qui attendent une rupture des eaux, un garçon qui étudie un vers de Dante, mille cloches de récréation qui sonnent dans toutes les écoles du monde, du vin qui fermente au soutirage, toutes choses qui arrivent au même moment et qui, alliant leur temps au mien, lui donnent de l'ampleur. (p. 106)”
“Pourquoi les poëtes parlent-ils mieux que moi de moi même? Je suis furieuse de na pas voir sortir de ma plume de ces phrases admirables qui sont une fin en soi. je scrute, je scrute les vers de poëtes, sûre de découvrir leur secret, sûre de trouver un jour moi aussi la clef de ce langage magique.”
“Certaines relations harmonieuses se créent et durent grâce à un système complexe de menues contre-vérités, de renoncements, une espèce de ballet complice d'attitudes et de postures qui peut se résumer dans un proverbe jamais assez cité, ou plutôt une sentence, cette désignation lui convenant beaucoup mieux, Toi et moi nous savons, mais tais-toi et je me tairai. (ch. 5)”