“C'est grave de s'obliger à ressembler à tout le monde: cela provoque des névroses, des psychoses, des paranoîas. C'est grave parce que c'est forcer la nature et aller à l'encontre des lois de Dieu, qui, dans tous les bois et toutes les forêts du monde, n'a pas créé une seule feuille identique à une autre.(Véronika décide de mourir)”
“Comme les cristaux et les étoiles, comme les cellules et les plantes, nos âmes aussi se divisent (...). de même que nous nous divisons, nous nous retrouvons. Et ces retrouvailles se nomment l'Amour. Car lorsqu'une âme se divise, elle se divise toujours en une partie masculine et une partie fémnine. C'est expliqué ainsi dans le livre de la Genèse: l'âme d'Adam est divisée, et Eve est née de lui. (...). Dans chaque vie, nous avons la mystérieuse obligation de retrouver, au moins, une de ces Autres Parties. Le Grand Amour, qui les a séparées, se réjouit de l'Amour qui les réunit. - Et comment puis-je savoir que c'est mon Autre Partie?- En prenant des risques. En courant le risque de l'échec, des déceptions, des désillusions, mais en ne cessant jamais de chercher l'Amour. Celui qui ne renonce pas à cette quête est gagnant.”
“Voyager, c'est vivre dans toute la plénitude du mot; c'est oublier le passé et l'avenir pour le présent; c'est respirer à pleine poitrine, jouir de tout, s'emparer de la création comme d'une chose qui est sienne, c'est chercher dans la terre des mines d'or que personne n'a fouillées, dans l'air des merveilles que personne n'a vues, c'est passer après la foule et ramasser sous l'herbe les perles et les diamants qu'elle a pris, ignorante et insoucieuse qu'elle est, pour des flocons de neige et des gouttes de rosée. ”
“Même si l'Ecclésiaste dit qu'il y a un temps pour déchirer et un temps pour coudre, le temps pour coudre laisse parfois des cicatrices très profondes, le pire ce n'est pas de se promener dans Genève seul et misérable, c'est de donner à une personne qui est près de nous l'impression qu'elle n'a pas la moindre importance dans notre vie”
“En fin d'après-midi à couper le souffle,tous sur cette plage merveilleuses étaient à couper le souffle,tous sur cette plage merveilleuse étaient en proie à la terreur .terreur de se trouver seul,terreur de l'obscurité qui peuplait de démons l'imagination,terreur de faire qq chose de prohibé par le code des usages,terreur du jugement de Dieu,terreur d'une justice inflexible à la moindre faute,terreur de risquer et de perdre,terreur de gagner et être jalousé,terreur d’être aimé et d’être repoussé , terreur de demander une augmentation ,d'accepter une invitation ,de se lancer dans l'inconnu , de ne pas réussir à parler une langue étrangère,de ne pas être capable d'impressionner les autres, vieillir, mourir , d’être remarqué pour ses défauts , de ne pas être remarqué pour ses qualités, de n’être remarqué ni pour ses qualités ,ni pour ses défauts....TERREUR,TERREUR,TERREUR...La vie est le régime de la terreur , l'ombre de la guillotine.”
“Prendre les actes constatés des individus pour des choix complètement libres, c'est faire l'impasse sur l'inégale capacité des individus à mener leur vie selon leurs souhaits. Cela revient à dire que les chômeurs de longue durée sont libres de se suicider pour échapper au chômage, que les pauvres sont libres de ne pas acheter de caviar et que, les riches étant par ailleurs libres de ne pas inviter les pauvres à leur table, tout le monde baigne dans le bonheur des choix souverains.”
“Faut-il regretter le temps des guerres "à sens" ? souhaiter que les guerres d'aujourd'hui "retrouvent" leur sens perdu ? le monde irait-il mieux, moins bien, indifféremment, si les guerres avaient, comme jadis, ce sens qui les justifiait ? Une part de moi, celle qui a la nostalgie des guerres de résistance et des guerres antifascistes, a tendance à dire : oui, bien sûr ; rien n'est plus navrant que la guerre aveugle et insensée ; la civilisation c'est quand les hommes, tant qu'à faire, savent à peu près pourquoi ils se combattent ; d'autant que, dans une guerre qui a du sens, quand les gens savent à peu près quel est leur but de guerre et quel est celui de leur adversaire, le temps de la raison, de la négociation, de la transaction finit toujours par succéder à celui de la violence ; et d'autant (autre argument) que les guerres sensées sont aussi celles qui, par principe, sont les plus accessibles à la médiation, à l'intervention - ce sont les seules sur lesquelles des tiers, des arbitres, des observateurs engagés, peuvent espérer avoir quelque prise...Une autre part hésite. L'autre part de moi, celle qui soupçonne les guerres à sens d'être les plus sanglantes, celle qui tient la "machine à sens" pour une machine de servitude et le fait de donner un sens à ce qui n'en a pas, c'est-à-dire à la souffrance des hommes, pour un des tours les plus sournois par quoi le Diabolique nous tient, celle qui sait, en un mot, qu'on n'envoie jamais mieux les pauvres gens au casse-pipe qu'en leur racontant qu'ils participent d'une grande aventure ou travaillent à se sauver, cette part-là, donc, répond : "non ; le pire c'était le sens"; le pire c'est, comme disait Blanchot, "que le désastre prenne sens au lieu de prendre corps" ; le pire, le plus terrible, c'est d'habiller de sens le pur insensé de la guerre ; pas question de regretter, non, le "temps maudit du sens". (ch. 10De l'insensé, encore)”