“Je sentis frissonner sur mes lèvres muettes la douceur et l'effroi de ton premier baiser. Sous tes pas, j'entendis les lyres se briser, en criant vers le ciel l'ennui fier des poètes, parmi des flots de sons languissamment décrus.”
“Tant que mes jambes me permettent de fuir, tant que mes bras me permettent de combattre, tant que l'expérience que j'ai du monde me permet de savoir ce que je peux craindre ou désirer, nulle crainte : je puis agir. Mais lorsque le monde des hommes me contraint à observer ses lois, lorsque mon désir brise son front contre le monde des interdits, lorsque mes mains et mes jambes se trouvent emprisonnées dans les fers implacables des préjugés et des cultures, alors je frissonne, je gémis et je pleure. Espace, je t'ai perdu et je rentre en moi-même. Je m'enferme au faite de mon clocher où, la tête dans les nuages, je fabrique l'art, la science et la folie.”
“Si je rencontrerais ajourd'hui, je lui filerais une grande claque pour le punir de m'avoir maudite en me souhaitant des expériences. Et je pleurerais sur son épaule, pour des tas de raisons. Pas parce qu'il ne m'a pas épousée, mais à cause de toutes les désillusions qui sont venues avec mes expériences.”
“N’importe ! elle n’était pas heureuse, ne l’avait jamais été. D’où venait donc cette insuffisance de la vie, cette pourriture instantanée des choses où elle s’appuyait ?… Mais, s’il y avait quelque part un être fort et beau, une nature valeureuse, pleine à la fois d’exaltation et de raffinements, un coeur de poète sous une forme d’ange, lyre aux cordes d’airain, sonnant vers le ciel des épithalames élégiaques, pourquoi, par hasard, ne le trouveraitelle pas ? Oh ! quelle impossibilité ! Rien, d’ailleurs, ne valait la peine d’une recherche ; tout mentait ! Chaque sourire cachait un bâillement d’ennui, chaque joie une malédiction, tout plaisir son dégoût, et les meilleurs baisers ne vous laissaient sur la lèvre qu’une irréalisable envie d’une volupté plus haute.”
“La Courbe de tes yeuxLa courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,Un rond de danse et de douceur,Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécuC'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.Feuilles de jour et mousse de rosée,Roseaux du vent, sourires parfumés,Ailes couvrant le monde de lumière,Bateaux chargés du ciel et de la mer,Chasseurs des bruits et sources des couleurs,Parfums éclos d'une couvée d'auroresQui gît toujours sur la paille des astres,Comme le jour dépend de l'innocenceLe monde entier dépend de tes yeux pursEt tout mon sang coule dans leurs regards.”
“... Je n'en pouvais plus de me languir d'elle, je n'en pouvais plus de tendre la main vers elle et de ne rencontrer que son absence au bout de mes doigts. Je me disais: Elle va te repousser, elle va te dire des mots très durs, elle va te faire tomber le ciel sur la tête; cela ne me dissuadait pas. Je ne craignais plus de résilier les serments, de broyer mon âme dans l'étreinte de mon poing; je ne craignais plus d'offenser les dieux, d'incarner l'opprobre jusqu’à la fin des âges.”