“‎Il faut que nous soyons bien anesthésiés pour que, chaque fois que nous avons à rendre compte de notre identité, nous ne soyons pas bouleversés, atterrés, terrorisés par le véritable scandale que cela constitue : avoir à répondre de « qui je suis » par une liste limitative (et en général fort brève) d'éléments discrets. L'identité, c'est bien d'une part cette assignation sociale de l'individu, de l'autre la « conscience que celui-ci a de lui-même ». Et c'est cette incompatibilité de l'un à l'autre, cet accolement violent de deux univers radicalement hétérogènes que perçoit peut-être à l'occasion le psychotique - comme si l'expérience psychotique venait à ce moment-là révéler le gouffre sur lequel nous évoluons tous avec plus ou moins d'aisance, sur nos passerelles aussi résistantes que dérisoires.”

Robert Gentis

Robert Gentis - “‎Il faut que nous soyons bien...” 1

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“Il me semble qu'ils confondent but et moyen ceux qui s'effraient par trop de nos progrès techniques. Quiconque lutte dans l'unique espoir de biens matériels, en effet, ne récolte rien qui vaille de vivre. Mais la machine n'est pas un but. L'avion n'est pas un but : c'est un outil, un outil comme la charrue.Si nous croyons que la machine abîme l'homme c'est que, peut-être, nous manquons un peu de recul pour juger les effets de transformations aussi rapides que celles que nous avons subies. Que sont les cent années de l'histoire de la machine en regard des deux cent mille années de l'histoire de l'homme? C'est à peine si nous nous installons dans ce paysage de mines et de centrales électriques. C'est à peine si nous commençons d'habiter cette maison nouvelle, que nous n'avons même pas achevé de bâtir. Tout a changé si vite autour de nous : rapports humains, conditions de travail, coutumes. Notre psychologie elle-même a été bousculée dans ses bases les plus intimes. Les notions de séparation, d'absence, de distance, de retour, si les mots sont demeurés les mêmes, ne contiennent plus les mêmes réalités. Pour saisir le monde aujourd'hui, nous usons d'un langage qui fut établi pour le monde d'hier. Et la vie du passé nous semble mieux répondre à notre nature, pour la seule raison qu'elle répond mieux à notre langage.Pour le colonial qui fonde un empire, le sens de la vie est de conquérir. Le soldat méprise le colon. Mais le but de cette conquête n'était-il pas l'établissement de ce colon? Ainsi dans l'exaltation de nos progrès, nous avons fait servir les hommes à l'établissement des voies ferrées, à l'érection des usines, au forage de puits de pétrole. Nous avions un peu oublié que nous dressions ces constructions pour servir les hommes.(Terre des Hommes, ch. III)”

Antoine de Saint-Exupéry
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“L’orgueil,- observa Mary qui se piquait de psychologie - est, je crois, un sentiment très répandu. La nature nous y porte et bien peu parmi nous échappent à cette complaisance que l’on nourrit pour soi-même à cause de telles ou telles qualités souvent imaginaires. La vanité et l’orgueil sont choses différentes, bien qu’on emploie souvent ces deux mots l’un pour l’autre ; on peut être orgueilleux sans être vaniteux. L’orgueil se rapporte plus à l’opinion que nous avons de nous-mêmes, la vanité à celle que nous voudrions que les autres aient de nous.”

Jane Austen
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“Ce n'est pas vrai du tout, que l'être humain soit une créature qui comprenne la vie. Son intelligence ne lui sert pas à grand'chose; par le fait qu'il parle, il n'en est pas moins bête. Mais là où sa bêtise dépasse celle des animaux, c'est quand il s'agit de deviner et de sentir la détresse de son sembable.Il nous arrive, parfois, de voir dans la rue un homme à la face blême et au regard perdu, ou bien une femme en pleurs. Si nous étions des êtres supérieurs, nous devrions arrêter cet homme ou cette femme, et leur offrir promptement notre assistance. C'est là toute la supériorité que j'attribuerais à l'être humain sur la bête. Il n'en est rien.”

Panait Istrati
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“[...] la foi, l'acte de croire à des mythes, des idéologies ou des légendes surnaturels, est la conséquence de la biologie. [...] Il est dans notre nature de survivre. La foi est une réponse instinctive à des aspects de l'existence que nous ne pouvons expliquer autrement, que ce soit le vide moral que nous percevons dans l'univers, la certitude de la mort, le mystère des origines, le sens de notre propre vie ou son absence de sens. Ce sont des aspects élémentaires et d'une extraordinaire simplicité, mais nos propres limitations nous empêchent de donner des réponses sans équivoque à ces questions et, pour cette raison, nous générons pour nous défendre une réponse émotionnelle. C'est de la pure et simple biologie. [...] Toute interprétation ou observation de la réalité l'est par nécessité. En l’occurrence, le problème réside dans le fait que l'homme est un animal moral abandonné dans un monde amoral, condamné à une existence finie et sans autre signification que de perpétuer le cycle naturel de l'espèce. Il est impossible de survivre dans un état prolongé de réalité, au moins pour un être humain.”

Carlos Ruiz Zafon
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“La menace qui pèse sur nous est-elle vraiment la pénurie de biens de base ? La richesse continue-t-elle à être exclusivement issue de biens matériels, ne vient-elle pas également du niveau de savoir et de culture ? Il faut oser dire que nous ne sommes pas en pénurie de biens matériels, que notre société n'est pas globalement en manque de produits de base, mais qu c'est bien plutôt la répartition sur l'ensemble de la population de ces biens et services qui fait problème ; que notre société se fissure et s'atomise et que les fonctions de cohésion sociale et de solidarité s'amenuisent sans que rien mesure leur déclin. Dès lors, si nous ne manquons pas de biens matériels, si nos besoins sont certes matériels, mais aussi sociaux, culturels, relationnels, si nos maux viennent d'une mauvaise répartition des biens, si nos besoins sont de mettre en valeur autrement nos patrimoines et nos talents, faut-il conserver le même indicateur grossier qui s'imposait au sortir de la guerre ?”

Dominique Méda
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