“La différence, évidemment, était qu'ils avaient appris plusieurs siècles auparavant quelque chose que moi, descendant d'un peuple incomparablement plus favorisé, je n'avais jamais été obligé d'acquérir. Ils avaient appris à survivre. La survie était pour moi un fait qui m'était accordé d'avance, et il était donc plus que vraisemblable que dans des circonstances analogues je serais incapable de survivre. Je deviendrais le vieux bougon, l'homme amer qui marche les yeux rivés au sol, le pessimiste qui prophétise partout le désastre et l'échec qu'il appelle de ses voeux ; je serais le suicidaire qui veut entraîner les autres dans sa chute. Il n'y avait pas de place, dans ma culture, pour le genre d'optimisme qui les protégeait dans leur monde, et il ne semblait pas y avoir de place, dans leur culture, pour le genre de rigueur, de complétude et de recherche de symétrie dont je pensais qu'elles me préservaient au sein du mien. (p.223)”

Russell Banks

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“Accordons-lui une plus grande capacité à comprendre et à parler le patois jamaïquain, une tolérance accrue pour la flamme vive du rhum blanc, et davantage de respect pour les difficultés qu'on rencontre lorsqu'on veut comprendre quelqu'un d'une autre culture, d'une autre race, d'une autre géographie, d'une autre économie et d'une autre langue - et cela même alors que je me familiarisais tous les jours davantage avec les subtilités de cette culture, de cette race, de cette géographie, de cette économie et de cette langue. J'ai appris le nom des arbres, des fleurs et des aliments qui m'entouraient ; j'ai appris à jouer aux dominos avec autant de férocité qu'un Jamaïquain, et j'ai même appris à parler assez bien avec des Jamaïquaines pour qu'elles puissent oublier pendant de longs moments l'extraordinaire avantage financier que je représentais pour elles, et qu'il leur arrive brièvement d'arrêter de me raconter uniquement ce qu'elles croyaient que je voulais entendre. Ce qui ne veut pas dire que je comprenais alors ce qu'elles me disaient. (p.47)”


“Bien que Terron fût un homme qu'apparemment je ne pouvais appeler autrement qu'un fanatique religieux ; bien qu'il menât sa vie d'une manière qui m'était encore plus étrangère que celle de M. Mann ; et bien que souvent je fusse arrivé à conclure, presque contre ma volonté, qu'il n'était qu'un arnaqueur rusé de campagne en train d'exploiter mon curieux mélange de culpabilité (le raciste américain en moi) et d'amour pour l'ésotérique (l'intellectuel branché en moi), il semblait malgré tout capable de me prévoir, de connaître bien plus précisément que le vieil homme mes besoins, mes questions et mes inquiétudes. De fait, c'était cette capacité d'anticiper sur moi et le bien-être qu'elle me procurait qui me ramenaient sans cesse à croire qu'il était en train de me rouler. En tant que vieux puritain, je me devais de me méfier de tout ce qui m'apportait du bien-être. (p. 201)”


“Je ne sais pas pour vous mais, au début de ma vie, il n'y avait que deux sortes de personnes dans mon univers : celle que j'adorais et celles que je détestais. Mes meilleurs amis et mes pires ennemis. Ceux pour qui je suis prête à tout donner et ceux qui peuvent aller crever. Ensuite on grandit. Entre le noir et le blanc, on découvre le gris. On rencontre ceux qui ne sont pas vraiment des amis mais que l'on aime quand même un peu et ceux que l'on prend pour des proches et qui n'arrêtent pas de vous planter des couteaux dans le dos.”


“je dis civilisé le peuple qui compose ses danses, malgré qu'il ne soit pour les danses ni récolte ni greniers. Alors que je dis brut le peuple qui aligne sur ses étagères des objets, fussent-ils les plus fins, nés du travail d'autrui, même s'il se montre capable de s'enivrer de leur perfection."L'homme, disait mon père, c'est d'abord celui qui crée. Et seuls sont frères les hommes qui collaborent. Et seuls vivent ceux qui n'ont point trouvé leur paix dans les provisions qu'ils avaient faites."(chapitre IX)”


“La tournée terminée, Tom et Roger pensèrent qu'après le succès de I Shot The Sheriff, ce serait bien de descendre dans les Caraïbes pour continuer sur le thème du reggae. Ils organisèrent un voyage en Jamaïque, où ils jugeaient qu'on pourrait fouiner un peu et puiser dans l'influence roots avant d'enregistrer. Tom croyait fermement au bienfait d'exploiter cette source, et je n'avais rien contre puisque ça voulait dire que Pattie et moi aurions une sorte de lune de miel. Kingston était une ville où il était fantastique de travailler. On entendant de la musique partout où on allait. Tout le monde chantait tout le temps, même les femmes de ménage à l'hotel. Ce rythme me rentrait vraiment dans le sang, mais enregistrer avec les Jamaïcains était une autre paire de manches.Je ne pouvais vraiment pas tenir le rythme de leur consommation de ganja, qui était énorme. Si j'avais essayé de fumer autant ou aussi souvent, je serais tombé dans les pommes ou j'aurais eu des hallucinations. On travaillait aux Dynamic Sound Studios à Kingston. Des gens y entraient et sortaient sans arrêt, tirant sur d'énormes joints en forme de trompette, au point qu'il y avait tant de fumée dans la salle que je ne voyais pas qui était là ou pas. On composait deux chansons avec Peter Tosh qui, affalé sur une chaise, avait l'air inconscient la plupart du temps. Puis, soudain, il se levait et interprétait brillamment son rythme reggae à la pédale wah-wah, le temps d'une piste, puis retombait dans sa transe à la seconde où on s'arrêtait.”


“La nuit qui suivit ne fut pas celle de la lutte, mais celle du silence. Dans cette chambre retranchée du monde, au-dessus de ce corps mort maintenant habillé, Rieux sentit planer le calme surprenant qui, bien des nuits auparavant, sur les terrasses au-dessus de la peste, avait suivi l'attaque des portes. Déjà, à cette époque, il avait pensé à ce silence qui s'élevait des lits où il avait laissé mourir des hommes. C'était partout la même pause, le même intervalle solennel, toujours le même apaisement qui suivait les combats, c'était le silence de la défaite. Mais pour celui qui enveloppait maintenant son ami, il était si compact, il s'accordait si étroitement au silence des rues et de la ville libérée de la peste, que Rieux sentait bien qu'il s'agissait cette fois de la défaite définitive, celle qui termine les guerres et fait de la paix elle-même une souffrance sans guérison. Le docteur ne savait pas si, pour finir, Tarrou avait retrouvé la paix, mais, dans ce moment tout au moins, il croyait savoir qu'il n'y aurait jamais plus de paix possible pour lui-même, pas plus qu'il n'y a d'armistice pour la mère amputée de son fils ou pour l'homme qui ensevelit son ami.”