“J'étais entière avant de rencontrer Toumani. J'étais entière alors que je ne ressentais rien, mais j'ai succombé à la vanité et, dès l,instant où la nature m'a saisie, je me suis brisée au sol. À présent, je m'en allais en resserrant mon châle autour de mes épaules, comme dans le but de rassembler mes fragments épars. Mais même ainsi, recollée, j'étais une femme lézardée, et les courants d'air s'engouffraient dans les failles entre mes morceaux.”
“Moi qui prêchais la non-violence, moi qui n'avais jamais donné la moindre taloche à mes enfants, moi qui n'avais jamais répondu à l'injustice ou à l'autorité arbitraire que par du silence ou des pleurs! Moi, j'étais pétrie de violence, j'étais la violence même, la violence incarnée! ...Une fois de plus j'étais émerveillée par la belle et compliquée organisation de l'esprit des êtres humains. La rencontre avec ma violence est intervenue quand il le fallait. Je ne l'aurais pas supportée avant, je n'aurais pas été capable de l'assumer. ...Au cours de mon adolescence ma violence avait resurgi quelques fois. Mais je ne savais pas que c'était elle, je me croyais en proie à une crise de nerfs que je sentais monter dans ma gorge. Je m'enfermais alors dans un endroit, et, seule, honteusement, je déchirais mes vêtements ou je cassais un objet.”
“Tant que mes jambes me permettent de fuir, tant que mes bras me permettent de combattre, tant que l'expérience que j'ai du monde me permet de savoir ce que je peux craindre ou désirer, nulle crainte : je puis agir. Mais lorsque le monde des hommes me contraint à observer ses lois, lorsque mon désir brise son front contre le monde des interdits, lorsque mes mains et mes jambes se trouvent emprisonnées dans les fers implacables des préjugés et des cultures, alors je frissonne, je gémis et je pleure. Espace, je t'ai perdu et je rentre en moi-même. Je m'enferme au faite de mon clocher où, la tête dans les nuages, je fabrique l'art, la science et la folie.”
“La rencontre avec mes premiers vrais défauts me donnait une assurance que je n'avais jamais eue. Ils mettaient en valeur mes qualités que je découvrais aussi et qui m'intéressaient moins. Mes qualités ne me faisaient progresser que lorsque mes défauts les excitaient. ... Je ressentais profondément qu'en les connaissant ils devenaient des outils utiles à ma construction. Il ne s'agissait plus de les repousser, ou de les supprimer, encore moins d'en avoir honte, mais de les maîtriser et de m'en servir, le cas échéant. Mes défauts étaient des qualités, en quelque sorte.”
“Je ne sais rien de mes origines. Je suis né à Paris de mère inconnue et mon père photographiait les héroïnes. Peu avant sa mort, il me confia que je devais mon existence à un baiser de cinéma".”
“Quant à moi, j’étais tout à fait tranquille sur mon sort. Moi aussi, j’aimais passionnément mon art ; mais je savais dès le commencement de ma carrière que je resterais, au sens littéral du mot, un ouvrier de l’art. En revanche, je suis fier de ne pas avoir enfoui, comme l’esclave paresseux, ce que m’avait donné la nature, et, au contraire, de l’avoir augmenté considérablement. Et si on loue mon jeu impeccable, si l’on vante ma technique, tout cela je le dois au travail ininterrompu, à la conscience nette de mes forces, à l’éloignement que j’eus toujours pour l’ambition, la satisfaction de soi-même et la paresse, conséquence de cette satisfaction.”