“Les moments significatifs de la vie sont parfois les plus courts. Telle la seconde d'un flash qui à jamais immortalise un instant et transforme le fugace en impérissable. Tôt ou tard, la photographie jaunie et racornie de cet instant se substitue au souvenir d'une période. Plus encore, elle devient la loupe à travers laquelle on observe cette période, et la déforme. Dans mon souvenir, le reste de ma vie est une création de cet instant précis où j'ai posé les yeux sur lui.”
“J'étais entière avant de rencontrer Toumani. J'étais entière alors que je ne ressentais rien, mais j'ai succombé à la vanité et, dès l,instant où la nature m'a saisie, je me suis brisée au sol. À présent, je m'en allais en resserrant mon châle autour de mes épaules, comme dans le but de rassembler mes fragments épars. Mais même ainsi, recollée, j'étais une femme lézardée, et les courants d'air s'engouffraient dans les failles entre mes morceaux.”
“Je me suis rendu compte de la puissance des Blancs, qui sont capables de décider de ce qui nous anime, de ce qui nous émeut. Et aujourd'hui comme depuis toujours, depuis le temps des esclaves, leur force est leur pouvoir d'achat. Le meilleur moyen de dominer un homme est d'avoir la mainmise sur ce qui le rend heureux. Les Blancs nous achètent en nous revendant nos propres rêves.”
“De toute ma vie, mes réactions les plus constructives on été mes moments de silence.”
“J'ai regardé à ma montre, et j'ai calculé combien de temps il me restait à vivre ; j'ai vu que j'avais encore une heure à peine. Il me reste assez de papier sur ma table pour retracer à la hête tous les souvenirs de ma vie et toutes les circonstances qui ont influé sur cet enchaînement stupide et logique de jours et de nuits , de larmes et de rires, qu'on a coutume d'appeler l'existence d'un homme.”
“Les manières de souffrir:Il y a la peur. La peur est terrible et le silence qui la noie encore plus.Il y a la colère, l'enragement quand j'ai cogné ma tête sur le mur de ma chambre.Il y a parfois la pitié qui me donne les yeux d'une fourmi.Et puis la tristesse qui est triste et qui dure.”
“Dans les épaisseurs de la nuit sèche et froide, des milliers d'étoiles se formaient sans trêve et leurs glaçons étincelants, aussitôt détachés, commençaient de glisser insensiblement vers l'horizon. Janine ne pouvait s'arracher à la contemplation de ces feux à la dérive. Elle tournait avec eux et le même cheminement immobile la réunissait peu à peu à son être le plus profond, où le froid et le désir maintenant se combattaient. Devant elle, les étoiles tombaient, une à une, puis s'éteignaient parmi les pierres du désert, et à chaque fois Janine s'ouvrait un peu plus à la nuit. Elle respirait, elle oubliait le froid, le poids des êtres, la vie démente ou figée, la longue angoisse de vivre et de mourir.”