“Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombeUn bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.”
“- Viens t’agenouiller avec moi près de la fenêtre, David, et prions pour que ta maman se sente bien demain, et que rien n’arrive à ton papa ce soir, et que toi et moi… que toi et moi ne souffrions pas trop, ni demain, ni jamais.Cela m’avait l’air d’une prière magnifique, alors j’ai regardé par la fenêtre et j’ai commencé, mais mes yeux sont tombés sur la Bible de néon, en dessous de nous, et je n’ai pas pu continuer. Et puis j’ai vu les étoiles du ciel qui brillaient autant que la belle prière et j’ai recommencé, et la prière est venue sans que j’aie à réfléchir, et je l’ai offerte aux étoiles et au ciel de la nuit.”
“Espèce de saint d'Afrique, pensé-je, tu viens donner ta sagesse à un sauvage d'Europe qui suit la lune sur le calendrier et les nuages d'après le bulletin de la radio, et qui ne sait lire aucun mot sans un alphabet. (p. 93)”
“Personne dans la salle, les bruits de la ville en contrebas, plus loin des lumières sur la baie. J’entends l’Arabe respirer très fort, et ses yeux brillent dans la pénombre. Au loin, est-ce le bruit de la mer ? le monde soupire vers moi dans un rythme long et m’apporte l’indifférence et la tranquillité de ce qui ne meurt pas.”
“Nous sommes les joyeux drilles, les boute-en-train, toi, moi et les autres. Nous faisons front contre la marée de ceux qui veulent plonger le monde dans la désolation en suscitant le conflit entre la théorie et la pensée. Nous avons les doigts accrochés au parapet. Tenons bon. Ne laissons pas le torrent de la mélancolie et de la triste philosophie noyer notre monde. Nous comptons sur toi. Je ne crois pas que tu te rendes compte de ton importance, de notre importance pour protéger l'optimisme de notre monde actuel.”
“Je ne vois rien, dit Josette, mais si je voyais, je haïrais tout ce que je vois. Je haïrais les hortensias rouges sur mon passage, et je haïrais les pochettes de disques, je haïrais les images de la télévision, je haïrais le visage de mon père et de ma mère, je haïrais le ciel et je haïrais la nuit, je haïrais la transparence des larmes, je n’aimerais aucune couleur que celle de tes yeux décolorés, je n’aimerais voir que toi.”