“De trois à dix-huit ans, les Japonais étudient comme des possédés. De vingt-cinq ans à la retraite, ils travaillent comme des forcenés. De dix-huit à vingt-cinq ans, ils sont très conscients de vivre une parenthèse unique : il leur est donné de s'épanouir. Même ceux qui ont réussi le terrible examen d'entrée de l'une des onze universités sérieuses peuvent un peu souffler : seule la sélection première importait vraiment”
“Très vite dans ma vie il a été trop tard. A dix-huit ans il était déjà trop tard. Entre dix-huit ans et vingt-cinq ans mon visage est parti dans une direction imprévue. A dix-huit ans j’ai vieilli.”
“Le Bien ne laisse aucune trace matérielle – et donc aucune trace, car vous savez ce que vaut la gratitude des hommes. Rien ne s’oublie aussi vite que le Bien. Pire: rien ne passe aussi inaperçu que le Bien, puisque le Bien véritable ne dit pas son nom – s’il le dit, il cesse d’être le Bien, il devient de la propagande. Le Beau, lui, peut durer toujours: il est sa propre trace. On parle de lui et de ceux qui l’ont servi. Comme quoi le Beau et le Bien sont régis par des lois opposées: le Beau est d’autant plus beau qu’on parle de lui, le Bien est d’autant moins bien qu’il en est question. Bref, un être responsable qui se dévouerait à la cause du Bien ferait un mauvais placement.- Pourtant, le Mal, on en parle !- Ah oui: le Mal est encore plus rentable que le Beau. Ceux qui ont investi dans le Mal ont fait le meilleur placement. Les noms des bienfaiteurs de votre époque sont oubliés depuis longtemps, quand ceux de Staline ou de Mussolini ont à nos oreilles des consonances familières.”
“Mais aujourd'hui, il ne s'agit pas d'honorer la beauté, ni même de procurer aux foules un spectacle agréable. Il s'agit de nous fracasser le crâne avec des menaces:"Vous avez intérêt à trouver ça à votre goût. Sinon, taisez-vous!" Le beau, qui devrait servir à faire communiquer les hommes dans l'admiration, sert à exclure. Face à un tel totalitarisme, au lieu de se révolter, les gens sont obéissants et enthousiastes. Ils applaudissent, ils en redemandent. Moi, j'appelle ça du masochisme.”
“J'ai connu un homme qui a donné vingt ans de sa vie à une étourdie, qui lui a tout sacrifié, ses amitiés, son travail, la décence même de sa vie, et qui reconnut un soir qu'il ne l'avait jamais aimée. Il s'ennuiyait, voilà tout, il s'ennuiyait, comme la plupart des gens. Il s'était donc créé de toutes pièces une vie de complications et de drames. Il faut que quelque chose arrive, voilà l'explication de la plupart des engagements humains.”
“Il y a tant de gens qui poussent la sophistication jusqu'à lire sans lire. Comme des hommes grenouilles, ils traversent les livres sans prendre une goutte d'eau....- Ce sont les lecteurs-grenouilles. Ils forment l'immense majorité des lecteurs humains, et pourtant je n'ai découvert leur existence que très tard. Je suis d'une telle naïveté. Je pensais que tout le monde lisait comme moi; moi, je lis comme je mange.”
“Combien de gars se sont arrêtés de boire comme des trous à l'âge de vingt ans pour empêcher un inconnu de mourir d'une cirrhose à l'âge de quarante ?”